L'autonomie gynécologique, c'est redonner du pouvoir aux femmes. C’est leur permettre de comprendre leur corps, ou tout du moins leur appareil génital, et ce qu’il leur arrive quand un problème survient. C’est s’intéresser aussi de plus près à "la zone grise de la gynécologie" qui intéresse moins le corps médical, suggère Gaëlle Baldassari, consultante en psychologie du cycle menstruel et créatrice du programme Kiffe ton cycle. 

Qu’est-ce que l’autonomie gynécologique ?

L’autonomie gynécologique est "la plus grande capacité à comprendre ce qui nous arrive et de prendre en charge les petites problématiques", d’après Gaëlle Baldassari, qui organise un sommet autour du cycle menstruel chaque année, et a dédié l’édition de 2020 à l’autonomie gynécologique. C'est apprendre à gérer "toutes ces problématiques récidivantes, qui ne sont pas considérées comme des pathologies graves et donc pas bien prises en charge, qui reviennent régulièrement et finalement pourrissent la vie des femmes".

La spécialiste veut être claire : "L’autonomie gynécologique ne consiste pas à remplacer ou exclure les médecins, mais justement de pouvoir être plus précise dans nos repérages et d’arrêter de penser que c’est le contrôle du médecin qui va pouvoir nous dire si on va bien ou pas".

En réalité, le phénomène n’est pas nouveau. Il vient des Etats-Unis, et a démarré dans les années 1960 avant d’être importé en Europe, ou tout du moins en francophonie (Suisse et France notamment) par Rina Nissim, une des pionnières dans le domaine. Cette femme "a créé des groupes autogérés de femmes qui se retrouvaient régulièrement et qui testaient des choses, pour traiter des mycoses par exemple, et ensuite se partageaient les bons remèdes", explique Gaëlle Baldassari.

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L’autonomie gynécologique, c’est ainsi de la diffusion de l’information et de la sororité. Un regain d’intérêt pour elle semble se dessiner depuis quelques années, avec des questionnements sur l’effet de la contraception hormonale sur le corps des femmes ou encore sur les problématiques autour des violences gynécologiques. C’est ce qui fait dire aux femmes, pour la spécialiste, "si j’ai un peu plus de connaissance et de compréhension de ce qui se passe, je vais être plus capable de me faire respecter dans ce processus médical."

Que comprend l’autonomie gynécologique ?

Pour beaucoup, le pas est difficile à sauter car le pan le plus mis en avant ces derniers temps est l’auto-observation. C’est l’une des bases, mais certaines mettent du temps avant de le faire. Et c’est normal.

D’abord, il est nécessaire de comprendre ce qui se passe, et donc de comprendre le cycle menstruel. Très peu de femmes maitrisent leur propre corps.

"J’avais fait une enquête auprès de 2400 femmes et il y a 70% d’entre elles qui considèrent qu’elles n’ont pas été assez informées pendant la puberté, note Gaëlle Baldassari. Sur les 30% restantes, quand on les informe sur ce qui est lié à la gynécologie et leur corps, il y en a encore 50% qui considèrent que finalement elles n’en savaient pas assez, donc on arrive à 15% qui se sentent assez informées."

Il faut ensuite savoir reconnaitre les signes essentiels sur nous-mêmes. Par exemple, l’ovulation. "Tout le monde devrait savoir le faire, c’est le seul moyen pour nous de savoir si notre cycle est en bonne santé, si on ovule, de prévoir les prochaines règles quasiment au jour près, même si on a un cycle irrégulier", d’après la créatrice de Kiffe ton cycle.

Une fois ces connaissances en poche, il est possible d’aller observer notre physiologie si on considère que c’est important pour nous. "Pour nombre d’entre nous, la première personne qui a regardé à l’intérieur de soi était un gynécologue, déplore Gaëlle Baldassari, alors il s’agit de se dire : ‘moi aussi je m’empare du spéculum, moi aussi je prends ma lampe de poche et mon miroir, et ça, ça donne du pouvoir’. »

L’autonomie gynécologique comprend encore après cela de nombreux pans. La connaissance des plantes pour soutenir le cycle en fait partie. Nous les ingérons le plus souvent sous forme de tisanes. Les deux fondamentales sont les feuilles de framboisiers, qui viennent soutenir tout le processus hormonal et aident dans le cas de douleurs menstruelles et l’ortie, qui va être reminéralisante.

Quand on décide d’approfondir les connaissances, on va alors s’intéresser aux divers troubles et pathologies. On va d’abord chercher à comprendre les examens gynécologiques et les analyses de sang.

"Plutôt que de stresser le temps que notre médecin puisse nous recevoir, on saura décrypter les résultats. On va comprendre ce qu’on a recherché avec cet examen-là. Pour beaucoup aujourd’hui on prend la liste des examens, on va au laboratoire et on ne se pose pas de question", regrette la spécialiste.

Comprendre sa contraception fait aussi partie de l’autonomie gynécologique. Cela parait logique, mais est-ce réellement le cas ?  La réponse est non, si vous ne pouvez pas répondre à ces questions. Quels sont les impacts de la contraception hormonale sur mon corps ? Puis-je l’arrêter et comment ? Quel est le nouveau moyen de gérer ma contraception, celui qui me convient, et non celui que le médecin a l’habitude de prescrire ?

Viennent ensuite les maladies. De nombreux troubles gynécologiques restent difficiles à accompagner. "Pour les mycoses et les règles trop abondantes, on va parfois chercher à soigner, sans comprendre le déséquilibre à l’origine", explique Gaëlle Baldassari.

Le syndrome des ovaires polykystiques est un autre exemple pour elle. "En médecine c’est un sujet assez discuté, sur lequel on ne peut pas faire grand-chose, or on s’est rendu compte que par l’alimentation et la compréhension de ce qu’il se passe avec ces ovaires polykystiques il peut y avoir de vraies améliorations", décrit-elle. Il s’agit alors de venir en complément de la médecine pour améliorer la vie des femmes. C’est la même chose avec l’endométriose et les troubles dysphoriques prémenstruels.

Le pan du plaisir ne doit pas être sous-estimé non plus. Découvrir son clitoris, se demander comment fonctionne son plaisir sexuel, quelle est sa place dans cette relation au plaisir avec soi, ou avec une autre personne est primordial.

Enfin, le dernier pan divise. Il s’agit de l’autopalpation des seins. Une partie du corps médical, dont plusieurs sages-femmes intervenues au sommet du cycle menstruel 2020, estime que c’est bien de la faire régulièrement pour détecter une masse. D’autres, dont Martin Winckler, médecin féministe référence dans le domaine, estime que cela "génère de l’inquiétude et que la plupart des patientes qui consultaient pour un problème le savaient sans avoir besoin de faire de l’autopalpation tous les mois", rapporte Gaëlle Baldassari.

Comment se former à l’autonomie gynécologique ?

A chacune son rythme et sa volonté de degré de connaissances sur le sujet. Il y a deux façons de faire les choses, qui peuvent bien sûr être complémentaires : s’informer depuis chez soi (en ligne ou avec d'autres ressources) et en présentiel.

En présentiel, cela va être en groupe. Il existe des ateliers un peu partout en France, organisés par des sages-femmes, ou alors très informels, entre copines ou copines de copines par exemple, comme à l’époque de Rina Nissim. Des collectifs comme Les Flux en proposent aussi.

"En général, il y a un temps de parole très long, d’échanges, de transmission d’informations sur comment est fait cet appareil gynécologique".  Si l’atelier le propose , il est ensuite possible pour celles qui le souhaitent de passer à une phase d’auto-observation. Des paravents sont présents (demandez bien si c’est le cas tout de même) pour celles qui veulent le faire de manière plus intime.

L’avantage avec le format atelier, c’est que sauter le pas peut être "plus facile grâce à cette dynamique de groupe, cette rencontre entre femmes". Ici, la sororité est maître. On y trouve des réponses aux questions qu’on n’a pas osé poser car une autre femme l’a fait. On y trouve cette solidarité, ce sentiment de ne pas être seule face à certaines problématiques.

Il est normal d’avoir peur avant de s’y rendre, ou de ne pas en avoir envie, et il est nécessaire de respecter cela. Gaëlle Baldassari elle-même a attendu quatre ans entre le moment où elle a commencé à s’intéresser de plus près à son cycle et son premier atelier.

Des ateliers à distance se mettent progressivement en place également, ainsi que bien d’autres ressources. Il y a le fameux sommet, où il est encore possible d’acheter le pack pour avoir toutes les conférences en replay.

Le programme Kiffe ton cycle, ou la version pour les jeunes filles durant la puberté Kiffe tes premières règles sont aussi un accompagnement possible. Et finalement, on n'oublie pas que la meilleure manière de se renseigner, c'est s'écouter, parce qu’avec un peu de recherches sur Internet on trouve beaucoup de choses, et parce que prendre une frontale et un miroir chez soi, c’est possible. Quand on est prête.