Dimanche, fin d’après-midi, le soleil est en train de se coucher et soudainement le week-end semble terminé avant même que vous ayez eu le temps de le voir passer. La nuit arrive, et avec elle la promesse du lundi qui vous guette cruellement. Si l’on connaît la déprime du dimanche soir, elle peut être associée à un « syndrome du lundi matin », une forme de dysphorie liée au début de semaine, plongeant le travailleur dans un état d’angoisse, de déprime et d’irritabilité face au top-départ de la semaine de travail. Mais que nous dis cette non-envie de reprendre nos postes, s’agit-il d’un trouble ou d’une simple paresse ? D’un signe d'anxiété ou d'un dysfonctionnement du lieu de travail ?

Qu’est-ce que le syndrome du lundi matin ?

Le « trouble dysphorique du lundi matin » n’est en réalité pas un trouble reconnu par la médecine. Il est inventé en 2008 par Jean-Paul Richier, praticien hospitalier, dans un rapport médical parodique. On peut y lire : « une étude déterminante a permis d'identifier comme facteur de risque principal l'exercice d'une activité professionnelle. Ce résultat est à rapprocher des observations de Prudhomme qui avait remarqué que le lundi matin coïncide avec le début de la semaine de travail. » Si le rapport est ironique et le trouble du lundi matin non-reconnu comme une affection médicale, cela n’empêche pas la prévalence d’un coup de mou de la plupart des salariés à ce moment T de la semaine. En 2010, un rapport scientifique statut que les niveaux de cortisol des individus ont effectivement tendance à varier, étant plus élevés le lundi et le mardi, ce qui suggère une réponse physiologique à mettre en lien avec le stress de la reprise. Une étude réalisée par la marque Marmite et repérée par The Telegraph, ajoute avec précision : on ne sourit pas avant 11 h 16 le lundi.

Vidéo du jour :

Blues du dimanche soir, stress du lundi matin, si ces termes ne constituent pas des troubles à proprement parler il n’empêche que le lundi se place sous le signe de la morosité et que celle-ci peut devenir pesante, voire s'accompagner de symptômes à surveiller. La psychologue du travail Noémie Le Menn pointe : « il peut y avoir des insomnies dans la nuit du dimanche au lundi, une irritabilité voire même une perte du sens de l’humour, un impact sur l’appétit qu’il s’agisse de manger pour compenser ou d’un estomac noué et des coups de fatigue, liés ou non aux insomnies. »

Identifier la source du mal-être

Pour Noémie Le Menn, face à ce coup de mou du début de semaine, il est essentiel de commencer par se poser la question de la récurrence. Il est tout à fait courant, voire normal, de ressentir cette angoisse, la veille d’un retour au travail qui s’accompagne d’une réunion ou d’une présentation importante. « Lorsqu’il y a un enjeu, il s’agit d’une sorte de trac de l’entrée en scène » explique-t-elle, « ce n’est alors pas alarmant puisque c’est lié à un évènement particulier qui nous sort de notre zone de confort. » En revanche, « si l’on ressent cela dès qu’un événement sort de l’ordinaire, il faut travailler sur sa représentation de l’événement, sur son droit à l’erreur et le niveau d’exigence que l’on se fixe » complète-t-elle, en soulignant que le stress est proportionnel aux tendances perfectionnistes. Si le blues du dimanche soir devient récurrent et envahissant allant jusqu’à polluer une partie du week-end, elle avance : « cela peut être dû à un tempérament anxieux, à un facteur extérieur, ou aux deux. »

Il est alors nécessaire d’y réfléchir, « il faut se demander d’où ce ressenti vient, si on l’a toujours eu dans toutes nos expériences, si un changement interne à l’entreprise en est à l’origine, si l’on aime toujours notre travail » explique-t-elle, « il faut pouvoir identifier la cause pour ensuite travailler dessus. » Une fois la raison trouvée, elle recommande chaudement d’en parler « à la médecine du travail, un psy, des amis, en tout cas à quelqu’un capable d’entendre le ressenti et de proposer des pistes de réflexions. » Aussi, un bilan de compétences peut être une solution, permettant de tirer au clair ce qui nous plait dans notre travail et dans la vie, d’identifier ses qualités et de répondre à la question de si l’on aime, ou non, toujours notre travail.

Lutter contre la déprime du lundi matin

Pour s’armer contre le coup de mou de la fin de week-end, qui tend à s’empirer en hiver lorsque les jours raccourcissent, Noémie Le Menn martèle l’importance de l’hygiène de vie. Du sommeil, de la nourriture et du sport, un trio gagnant pour maintenir son corps en forme et pour « recharger ses batteries comme celles d’un téléphone. » Par ailleurs, elle insiste sur l’importance de changer sa vision des choses. « Certaines personnes ne voient que ce qu’elles ont raté, les réprobations qu’elles ont cru lire dans l’attitude ou les paroles des autres, en se nourrissant de ça, on créé de l’angoisse », explique-t-elle. Il est alors nécessaire de « se demander : "qu’est ce que j’ai fait de bien aujourd’hui ?" », rétorque-t-elle, « de s’auto-féliciter pour retrouver de l’appétit dans son travail. » Se remettre au centre permet de « redevenir acteur, de ne pas attendre d’être valorisé par les autres, ce qui nous met inévitablement dans une situation de fragilité. »

Aussi, s’il est important d’identifier la source du mal-être, il l’est tout autant de trouver des moyens d’actions. La thérapeute indique : « il faut se demander ce que l’on peut faire pour que ça change, s’il y a un problème, il y a au moins une solution. » Et si les problèmes peuvent être nombreux, les solutions le sont aussi, en brossant large, l’experte évoque la possibilité de changer de mentalité comme de poste voire d’entreprise, mais aussi de trouver des aménagements. Par exemple, le télétravail est devenu progressivement un moyen pour les salariés de commencer la semaine en douceur, en restant blottis chez eux sans se confronter dès le premier jour de la semaine aux transports et au bruit de l’open-space. Il est aussi possible de trouver des modes de travail plus adapté à son rythme, « d’aller chercher un univers plus mobile en termes d’organisation du travail si l’on ne s’adapte pas aux horaires réguliers », explique-t-elle. Et comme pour trouver les sources, trouver les solutions peut être fait au travers d’un accompagnement thérapeutique.

Le lundi : l’arbre qui cache la forêt ?

Autour de la machine à café, la réponse « comme un lundi » au « comment ça va ? » est devenue un leitmotiv. Pour Noémie Le Menn il s’agit d’une réponse « culturelle », « d’un ajustement aux normes professionnelles en utilisant les normes franchouillardes un peu râleuses. » À la question de savoir si l’on fait face à une épidémie de lundinite, la thérapeute reste mesurée, considérant que l’on peut remettre en perspective notre perception du lundi en se demandant « si c’est vraiment l’enfer. » Mais pour d’autres, plus radicaux, l’aspect généralisé du syndrome du lundi est bien plus sérieux et significatif. Sur les réseaux sociaux, sur les murs et parfois en manifestations, le slogan « vous ne détestez pas le lundi, vous détestez le capitalisme » fleurit. Cette citation, attribuée au philosophe Slavoj Žižek, entend que le problème n’est pas la reprise mais le système en lui-même.

L’angoisse commune ressentie à la veille et à l'aube du retour au travail pourrait être alors entendue comme un signe de dysfonctionnement d’un monde du travail, ou d’entreprises, qui ne permettraient pas à ses salariés de s’épanouir. Dans un entretien accordé au Monde, en 2016, la psychologue du travail Lise Gaignard faisait état d’une tendance à l’instrumentalisation des risques psychosociaux pour ne pas remettre en question les modes de production. Elle y dénonçait une psychologisation de la souffrance au travail, rejointe par Anne Flottes autrice de Travailler, quel boulot ! Les conflits du travail, enjeux politiques du quotidien qui affirmait : « Même les syndicats envoient les salariés chez le psy ! La souffrance ne pousse plus à l’action, elle est vécue de façon individuelle et désespérante». Alors, syndrome du lundi matin, grosse angoisse ou vrai ras-le-bol ?