« Qui parle de la sexualité des femme grosses ? », interroge Emmanuella. Connue sur TikTok sous le pseudo @chuchub_, la jeune femme aborde avec humour et autodérision la vie sexuelle des corps non normés. Entre invisibilisation et fétichisation, la stigmatisation des personnes grosses pèse sur la sexualité des femmes et leur rapport au plaisir et à l’intimité. 

Le corps gros caché

La sexualité des personnes grosses est un sujet invisibilisé. Certaines femmes se construisent avec l’idée qu’elles ne sont pas désirables. « Il n’y avait pas de modèle de femme grosse quand j’étais adolescente. J’ai grandi avec des personnes qui me disaient “Si tu ne perds pas du poids, tu ne trouveras jamais personne”, donc forcément, j’avais du mal à imaginer pouvoir avoir une sexualité. Quand j’ai commencé à prendre conscience que des gens voulaient coucher avec moi, j’avais cette mentalité de me dire “De toute façon, je ne trouverai pas mieux, d’après tout ce qu’on me dit” », raconte Laetitia. 

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C’est pour lutter contre cette absence de représentation et d’information qu’Emmanuella a décidé de se lancer sur TikTok. « On ne pense pas que les femmes grosses peuvent être désirables. Pourtant, comme les personnes minces, elles font du sexe », rappelle Emmanuella. « Je me suis dit que toutes les questions que je me posais en tant que femme grosse, d’autres devaient se les poser aussi. Il y a des choses que j’entendais souvent, et ce qui ressortait beaucoup, c’était des choses hyper pratiques comme “J’ai peur d’écraser”, “J’ai peur de ne pas être assez endurante”, “J’ai peur de casser les lattes”. Et puis tout ce qui relève des complexes et de la honte du corps », détaille-t-elle. 

« Peu importe son corps, on a droit au consentement et au respect »

Quand il n’est pas caché, le corps des femmes grosses est fétichisé. On attribue aux personnes grosses bon nombre de stéréotypes sexuels : elles seraient gourmandes, auraient plus d’appétit sexuel, seraient prêtes à tout… Sur les sites pornographiques par exemple, il y a toujours une catégorie « femmes grosses », avec tous les clichés qui vont avec. « J’ai commencé à expérimenter très vite de la fétichisation. C’est quelque chose qui est très populaire dans la pornographie notamment et associé à tout un imaginaire comme quoi les femmes grosses seraient tellement honorées à la simple idée que quelqu’un veuille bien leur accorder une miette d’intérêt qu’elles seraient prêtes à faire tout et n’importe quoi », déplore Laetitia. 

Le fait qu’on concède à la femme grosse d’avoir une sexualité seulement si elle est l’objet de fétichisation affecte profondément l’estime de soi, mais aussi la vision du sexe. « J’ai déjà eu des partenaires qui étaient très étonnés que je refuse certaines pratiques parce que dans leur tête, l’avantage de coucher avec une grosse c’est qu’elle ne dirait pas non », témoigne Laetitia. Avant de rappeler : « Peu importe son corps, on a droit au consentement et au respect ». 

« Pour certains hommes, on est un fantasme. Et j’entends parfois des femmes avoir cette pensée de “je suis une femme grosse, donc la personne qui va bien vouloir coucher avec moi a des préjugés et il faut alors que je sois une bête de sexe”. Alors qu’il n’y a rien à prouver, il faut juste s’écouter, il n’y a pas de rôle à se donner », rappelle Emmanuella.

Communiquer et expérimenter pour une vie sexuelle épanouie

Si dans les faits, la sexualité est la même, et que les personnes grosses ont les même zones érogènes que tout le monde, il faut parfois quelques ajustements et renforcer la communication entre les partenaires pour une sexualité épanouie et source de plaisir. « Il y a des positions qui ne sont pas accessibles, ou qui sont présentées comme les meilleures mais imaginées en tête avec des personnes minces. Par exemple, en été, on fait l’apologie du sexe sous la douche, sauf que quand tu fais un certain poids, c’est beaucoup plus compliqué, voire dangereux », rapporte Laetitia. 

Pour Claire Alquier, sexologue, la communication et le confort sont indispensables. « Il faut que chacun.e, peu importe sa corpulence, puisse avoir l’espace pour élaborer la sexualité qui lui convient. Ce n’est pas par défaut, ou parce qu’on est gros.se qu’on ne fait pas certaines choses, mais parce qu’on va choisir de faire ce qui nous plaît et nous fait du bien. La sexualité n’est censée ni faire mal, ni être trop inconfortable », souligne-t-elle. 

Laetitia affirme : « J’ai vraiment essayé de voir la sexualité sous un angle très ludique, pour voir ce que je pouvais adapter avec mon corps, les accessoires que je pouvais utiliser pour plus de confort... C’est important d’avoir un.e partenaire avec qui on est vraiment complice à ce niveau-là, parce que ça veut dire expérimenter. Et parfois se louper un petit peu, mais il vaut mieux en rire et essayer autre chose ! »