Des larmes, un sentiment de tristesse, voire des sanglots… Lorsqu’elles surviennent après un rapport sexuel, ces manifestations portent un nom : la dysphorie post-coïtale, plus communément appelée le "sex blues" ou blues après l’amour. De quoi s’agit-il ? Pourquoi cette envie de pleurer après le sexe ? On fait le point sur ce phénomène perturbant pour celles et ceux qui le vivent ainsi que pour leurs partenaires.

Pleurer après le sexe : qu’est-ce que le sex blues ?

La dysphorie post-coïtale est un état peu connu sur lequel il est difficile d’avoir des données concrètes. "Il y a très peu d’études scientifiques sur le sujet, finalement ce que l’on sait, c’est surtout grâce aux témoignages des personnes concernées", analyse Camille Bataillon, sexologue clinicienne. On l’appelle également blues post-sexe ou sex blues. "Il s’agit d’une profonde tristesse, une sorte de mélancolie, un sentiment de vide, du stress qu’on éprouve après un rapport sexuel satisfaisant", explique la sexologue. 

Cela peut se manifester par des pleurs voire des sanglots ou bien des rires nerveux, de l’irritabilité, parfois même de l’agitation ou bien un repli sur soi, un besoin d’être seul. Bref, les symptômes sont multiples mais ont un point commun : ils surviennent juste après le rapport sexuel, satisfaisant et consenti, précision importante. 

Un phénomène qui touche autant les femmes que les hommes

Le sex blues concerne aussi bien les hommes que les femmes, bien que notre spécialiste n’ait eu affaire qu’à des patientes concernées par la dysphorie post-coïtale. Selon une étude du Queensland Institute of Technology publiée par le Journal of Sexual Medicine en octobre 2015, 46% des femmes déclarent avoir déjà souffert de sex blues, c'est-à-dire d’une tristesse après l’amour. Pour 5,1 % d’entre elles seulement, ce sentiment est récurrent. 

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En 2019, des chercheurs australiens affirment que les hommes peuvent eux aussi expérimenter le sex blues dans une enquête parue dans le Journal of Sex & Marital Therapy. 41% des hommes interrogés ont déclaré avoir déjà vécu un épisode de dysphorie post-coïtale au cours de leur vie. Toutefois, chez ces derniers, il ne faut pas confondre ce phénomène avec la période réfractaire, purement physiologique, qui suit l’éjaculation.

Enfin, une récente étude publiée en janvier 2020 dans le Journal of Sexual Medicine montre que les symptômes peuvent différer selon le genre : les femmes ressentant plutôt de la tristesse, de la frustration et des sautes d’humeurs et les hommes le sentiment d’être malheureux et de manquer d’énergie.

Quelles sont les causes de la dysphorie post-coïtale ?

Alors, d’où vient la mélancolie après le sexe ? Là encore, il n’y a pas vraiment de bonne réponse. Les causes de la dysphorie post-coïtale restent en réalité mal connues, car trop peu étudiées. "Il y a différentes théories, mais il est probable que ce soit dû à des facteurs biologiques et d’autres psychologiques, ou sexuels", précise Camille Bataillon. 

  • Les facteurs biologiques/physiologiques

"On suppose que cela pourrait avoir un lien avec les changements hormonaux. Lors d’un rapport sexuel satisfaisant, le corps sécrète des hormones de bien-être et le changement hormonal post-orgasme pourrait avoir comme conséquence le blues après le sexe", explique Camille Bataillon. La chute brutale des hormones telles que la sérotonine ou la dopamine pourrait ainsi être responsable de cet état. "Certains scientifiques disent aussi que ça peut dû à un dérèglement hormonal. Peut-être qu’il n‘y a pas assez de sécrétion d’endorphine alors que l’endorphine c’est ce qui permet la bonne humeur", détaille la sexologue.

  • Les facteurs psychologiques

Certaines études évoquent une sensibilité exacerbée, une peur de l’abandon et une fusion très forte pendant l’acte qui conduit à une difficulté à quitter l’autre et à gérer la solitude après l’amour. "Il peut aussi y avoir un relâchement de la tension sexuelle, mais aussi des tensions de la journée qu’on n’arrive pas à relâcher et qu’on relâche pendant les rapports intimes", affirme Camille Bataillon. "Souvent c’est un trop-plein d’émotions qui sort à ce moment-là car il y a non seulement la décharge physiologique de l’orgasme mais aussi la décharge psychologique". 

Pour certaines personnes, cela peut être causé par une résurgence d’un traumatisme. "Même si le rapport est satisfaisant, elles peuvent avoir des souvenirs de choses moins plaisantes, d’abus ou d’expériences traumatisantes. Là, c’est important de pouvoir en parler à des professionnels et d’être accompagné", prévient la spécialiste.

Comment gérer les pleurs après le sexe ?

Le fait de pleurer après le sexe laisse aussi bien la personne qui le ressent que son ou sa partenaire totalement démunis. Dans cette situation, pouvoir communiquer avec son ou sa partenaire est primordial. "On peut demander ou essayer d’identifier ce dont la personne a besoin à ce moment-là : peut-être qu’elle a besoin qu’il y ait encore cette connexion après que le rapport soit « fini », qu’on reste collé à elle, ou qu’elle a tout simplement besoin d’être seule", suggère Camille Bataillon. 

Le sex blues est un évènement qui n’est pas rare, qui n’a rien d’anormal dans la plupart des cas et qui peut être relativisé. Les rapports sexuels font éprouver un tas d’émotions, parfois contradictoires. La sexologue se veut rassurante : "Dans la majorité des cas, ce n’est rien d’inquiétant, il faut plutôt accompagner ces émotions-là et c’est bien si on arrive à les sortir."

Si le phénomène est récurrent, il est préférable de consulter un spécialiste pour en comprendre l’origine et essayer de l’atténuer. Un bilan hormonal pourra être prescrit, pour exclure ou non la piste hormonale, par exemple.