Depuis quelques années, des voix s’élèvent pour nous inviter à concevoir une autre vision de la sexualité. Prendre son pied au lit ne passe pas forcément par la pénétration, d’ailleurs plaisir féminin et pénétration ne sont pas intimement liés. 

Pour autant, même si l’on sait aujourd’hui qu’elle ne fait pas systématiquement jouir les femmes, il n’est pas question de se priver de la pénétration, gage de fusion et plaisir pour beaucoup (74% des femmes ont eu un orgasme lors de leur dernier rapport selon un sondage Ifop de février 2019), mais plutôt de repenser les sources de jouissance et le rapport sexuel. Ça tombe bien, il existe un mot pour ça : la circlusion.

La circlusion, qu’est-ce que c’est ? 

Le terme "circlusion" est formé du préfixe "cir" dérivé du latin "circum" qui signifie "autour" et de "clure", dérivé de "clore" pour "fermer". Le verbe circlure désigne l’action d’entourer, d’enrober lors d’une relation sexuelle. Ce néologisme a été inventé en 2016 par la philosophe et féministe allemande Bini Adamczak dans un article de GLAD ! Revue sur le langage, le genre et les sexualités. Ce nouveau mot se veut tout simplement le pendant égalitaire de pénétration mais induit un changement de paradigme dans notre manière de concevoir le sexe. Un vagin peut ainsi circlure un pénis, un sextoy, des doigts. Lorsque vous chevauchez votre partenaire en position de l’Andromaque en "prenant le contrôle" : ne devient-il pas plus juste de parler de circlusion que de pénétration ? 

"Le mot circlusion nous permet de parler autrement du sexe. Ce mot est nécessaire car cette triste fixette sur la pénétration domine toujours l’imaginaire hétéronormatif et – comme si cela ne suffisait pas – domine aussi l’imaginaire queer. On peut l’observer dans le porno mainstream mais aussi dans le post-porno ou le porno BDSM", écrit la théoricienne allemande. Dans son ouvrage La Vulve, la Verge et le Vibro, sorte de dico du sexe, la journaliste et chroniqueuse Maïa Mazaurette propose de remettre au goût du jour ce terme. "La pénétration implique que seul le pénétrant est actif (...) Or toute personne ayant déjà reçu un pénis (un index, un sextoy, une banane) peut faire l’expérience du contraire", explique-t-elle.

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Quand la circlusion nous invite à repenser le rapport sexuel

L’idée derrière la circlusion, c’est de cesser de considérer que la personne qui pénètre (avec son pénis par exemple) est active tandis que celle qui est pénétrée est passive. Le mot invite à repenser le rapport sexuel et repositionne la personne pénétrée comme étant active durant le coït et maîtresse de son plaisir. Pour ne parler que du rapport hétérosexuel, on peut ainsi dire que l’homme pénètre et la femme circlut. Cela met aussi en avant le rôle du vagin, trop souvent considéré comme un simple orifice réceptif voire réduit à une fonction de "trou". Or, le sexe féminin est composé de muscles et de terminaisons nerveuses, il se contracte, accompagne la pénétration, éjacule même parfois. Les femmes ont aussi un clitoris qui entre en érection, un vagin qui s’étend et peut laisser passer un bébé. 

Le verbe circlure n’est pour le moment pas encore entré dans le langage courant, il faudra peut-être des décennies pour qu’il s’impose. Mais il a le mérite d’exister et de redonner un rôle actif aux femmes et personnes pénétrées dans la relation sexuelle. Bini Adamczak plaide de son côté largement en sa faveur : "Le mot circlusion est facile à apprendre et facile à appliquer. Je circlus, tu circlus, iel est circlus·e. Et surtout, il est beaucoup plus pratique que pénétration. Le mot pénétration comporte quatre syllabes, circlusion en a seulement trois. Ainsi son introduction est tout à fait dans l’intérêt de l’économie. Nous gagnons du temps précieux que nous pouvons ensuite investir dans la baise". Voilà qui est dit...