Certaines personnes ne parviennent pas à s’attacher à leur partenaire ou à s’engager sur la durée. Lorsque la relation devient sérieuse, elles prennent ainsi la fuite ou sabotent leur couple en se montrant de plus en plus distantes. C’est le fruit d’un mode de relation dit « évitant ». Qu’est-ce qui se cache derrière ce comportement ? Explications avec Gwenaëlle Persiaux, psychologue clinicienne spécialiste des blessures d’attachement et autrice de Coupé des autres, coupé de soi aux éditions Eyrolles.
Un style d’attachement évitant
Les difficultés à s’attacher sont liées à une peur, souvent inconsciente, d’être envahi.e par ses émotions et d’être dépendant.e d’autrui. Ces personnes ont un style d’attachement dit « évitant ». « Les personnes au comportement évitant sont anxieuses d’être proches de quelqu’un et ont du mal à s’engager réellement dans la relation », explicite Gwenaëlle Persiaux.
Concrètement, cela se manifeste par une faible capacité à ressentir ses émotions, à les exprimer et les partager avec son ou sa partenaire, ainsi que par des difficultés à nouer des relations profondes et intimes. « La vie amoureuse confronte l’évitant à ses stratégies de contournement et de contrôle émotionnel », indique la psychologue. L’incapacité à s’attacher et s’engager dans la relation apparaît en général après la période de lune de miel, commune à tous les couples. « Lorsque la relation s’approfondit, il y a activation du système d’attachement et donc réactions de défense », poursuit l’experte. « Ce n’est pas tant la relation qui est évitée, mais surtout les émotions qui en découlent. » L’évitant n’est pas forcément célibataire, mais il n’investit guère les relations amoureuses. « Il est en couple sans l’être complètement. Cela peut être très frustrant pour le ou la partenaire qui aimerait être plus en connexion », souligne Gwenaëlle Persiaux.
Ainsi, les personnes au profil évitant ne s’engagent presque jamais dans la durée, préfèrent rester célibataire ou aller d’un couple à l’autre. « Et lorsqu’elles s’engagent, elles ne sont pas vraiment là : elles bossent beaucoup à côté, investissent d’autres activités… Elles fuient le quotidien et la proximité avec l’autre ». Bien souvent, l’évitant n’a pas conscience de son fonctionnement. « Il peut déplorer être célibataire ou ne pas trouver la personne qui lui convient, et avoir envie de construire une vie de couple épanouie. Mais sa partie évitante fait en sorte de saboter toute tentative de relation », développe la psychologue. La plupart des évitants ont soif de relations proches, mais ne sait pas comment faire. « Ils peuvent aimer sincèrement leur conjoint.e et souffrir de ne pas parvenir à être proche de lui ou d’elle », insiste-t-elle.
Un comportement qui prend racine dans l’enfance
C’est dans l’enfance que se dessinent les contours d’une personnalité évitante. « Le détachement émotionnel provient souvent d’un environnement familial où le manque voire le vide ont régné : peu de paroles échangées, rares gestes de tendresse, absence des parents et/ou ambiance générale peu chaleureuse, laissant l’enfant seul avec ses émotions et ses pensées », détaille Gwenaëlle Persiaux.
Face à cette indifférence émotionnelle et ces situations peu sécurisantes, la personne développe un mécanisme de défense afin de se protéger. « Lorsque quelqu’un a vécu un sentiment de ne pas être vu, entendu, peut-être même d’être abandonné, cela laisse des empreintes qui, tant qu’elles ne sont pas guéries, se répercutent à l’âge adulte, notamment dans la relation de couple », pointe la spécialiste. Même si l’environnement est différent, par exemple avec un.e partenaire bienveillant.e, l’évitant conserve ses mécanismes. En se maintenant à distance dans les relations affectives, il se protège de tout risque de revivre ce qui a été trop douloureux dans le passé.
« Le plus souvent chez les profils évitants, il y a une peur du rejet, liée au fait que l’enfant a grandi avec des parents peu présents physiquement et psychiquement », explique la psychologue Gwenaëlle Persiaux. « La relation amoureuse est avant tout une histoire d’engagements. Mais pour certaines personnes, ce qui prime sur l’envie de former un couple, c’est la peur d’être à nouveau rejetées ». L’enfant peut aussi avoir grandi avec un parent intrusif, qui s'immisçait excessivement dans sa vie. « Cela est plus rare mais arrive suffisamment pour être mentionnée », note l’experte. La peur d’être envahi provoque alors des comportements d’évitement et de fuite.
Difficulté à s’attacher : oser la relation et l’intimité
« Certains évitants n’arrivent pas à être en couple, notamment sur la durée, parce qu’ils ont été traumatisés par de la violence émotionnelle ou verbale dans leur enfance. Ils évitent les relations et ont acquis la croyance qu’ils ne valent pas grand chose, qu’ils ne méritent pas de rencontrer quelqu’un, d’être aimés. D’autres reproduisent inconsciemment des échecs pour se protéger d’un engagement affectif qui les rendrait vulnérables », observe Gwenaëlle Persiaux.
« Tant qu’il ne se rend pas compte que sa manière d’être influence ses relations affectives, l’évitant ne se pose pas de questions », regrette-t-elle. Les personnes évitantes viennent rarement d’elles-mêmes demander de l’aide à un professionnel. Pour autant, rien n’est figé. « Quand on a été insécure, et que petit à petit, on travaille sur nous, il est possible de guérir nos blessures d’attachement pour tendre vers un attachement secure ou acquis », insiste la psychologue. Et ainsi développer une sécurité affective intérieure plus solide. Comment faire ? Gwenaëlle Persiaux recommande de « se demander au bout de l’énième relation qui ne dure pas longtemps ce qu’il se passe en soi, ce qui se répète. La curiosité envers soi-même permet de faire les liens entre le passé et le présent ».
Enfin, « s’ouvrir peu à peu, oser la relation est une étape à franchir ». La psychologue reconnaît qu’il s’agit d’une démarche difficile pour les évitants, car « on leur demande de faire ce qu’ils craignent le plus, c’est-à-dire se mettre à nu et être dans la vulnérabilité ». « Cela demande une forme de courage et de détermination. Pour certains, l’aide d’un.e thérapeute est une bonne manière d’y parvenir.