Peut-on aimer la levrette et être féministe ?

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Peut-on aimer la levrette et être féministe ?
Sensuelle, chargée de fantasmes, riche de nombreuses possibilités érotiques, la levrette en rebute cependant encore certain·e·s qui lui trouvent une connotation animale, voire dégradante. Peut-on être féministe et aimer la levrette ?

Longtemps interdite dans l’occident chrétien, cette position est, depuis les années 2010, la préférée des Français·e·s. La libération des moeurs sexuelles et la démocratisation du porno l’ont ensuite banalisée. Pour autant, la levrette reste associée à une position animale et stéréotypée. Et si elle était plus féministe qu’on ne le pense ?

La levrette, une connotation animale et dégradante

Aujourd’hui encore, cette position à tendance à être perçue comme dégradante. Historiquement, la levrette est associée à un imaginaire impudique, voire dévalorisant. « Au Moyen Âge, en Occident, l’Église condamnait cette position dans les rapports entre un homme et une femme. Elle était jugée bestiale, animale, perverse. Pratiquer la levrette était perçu comme un péché, qu’il fallait confesser, puis se soumettre à une punition sévère déterminée par le prêtre », indique Noémie Gmür, citant les travaux de Didier Dillen. « Certains ouvrages médiévaux affirment que les enfants conçus dans des positions qui ne sont pas le missionnaire auraient des “défauts de naissance” ou que les femmes qui pratiquent la levrette deviendraient ensuite infidèles à leur mari (puisque la sexualité n’avait pas sa place hors mariage ». C’est aussi une position pratiquée par de nombreux mammifères et « c’est en cela qu’elle est associée à une forme de “bestialité” », note l’experte.

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Dans l’imaginaire collectif, la levrette, encore liée à cette image « bestiale », est souvent vue comme humiliante pour qui la reçoit. Pour Noémie Gmür, cette idée est en partie entretenue par la pornographie mainstream qui perpétue « une vision très patriarcale et misogyne ». « L’homme dominerait parce qu’il pénètre, et via la levrette, il aura devant lui une femme réduite à son postérieur, vagin ouvert et offert à lui, qui est objectifiée au point où on ne voit parfois pas son visage », signale-t-elle. « La levrette est pratiquée sans stimulation préalable, sans lubrifiant,  rapide, voire brusque, cela peut aller jusqu’à une forme de “pillonage” qui n’est pas forcément du goût de tout le monde », poursuit-elle. Mais la levrette n’est humiliante que si on la rend humiliante. Car l’enjeu est peut-être là : comment accepter, dans une société où les femmes qui vivent librement leur sexualité sont toujours aussi fréquemment slut-shamées à base de “sale chienne”... De prendre la pose de cette manière au pieu ? 

Loin des yeux, loin du cœur ?

Le doggy-style interdit tout contact oculaire, signe essentiel de l’intimité partagée. Si cette pratique reste subversive aujourd’hui, c’est parce qu’elle met à mal le fondement de la sexualité comme partage. On l’oppose assez facilement à la position du missionnaire. Autrement dit, c’est la classique opposition du coït que l’on aurait dans un rapport amoureux de type sexe vanille, versus le coït bestial et déchaîné. « Pourtant, une levrette peut être tendre ! », insiste Noémie Gmür. « La tendresse, c’est faire preuve de bienveillance, de sollicitude, de soin. Ce sont des éléments essentiels dans la sexualité », ajoute la sexothérapeute. On peut être romantique en levrette, avec un doux massage en bas du dos, des bisous dans la nuque, des caresses un peu partout. La levrette peut être lente et sensuelle, sans brutalité ni puissants coups de reins.

« Une levrette peut être faite avec beaucoup de douceur et de complicité, avec des alternances de rythmes qui peuvent être gérées par les mouvements des deux partenaires, tout comme la profondeur de la pénétration. Les deux peuvent être très actifs dans cette position ! », confirme Noémie Gmür. « Sans être face au visage de l’autre, ni dans son regard direct, on peut aussi plus facilement se concentrer sur son propre plaisir, se laisser aller à plus de lâcher prise », observe-t-elle. C’est ce qu’affirme Maud*, 28 ans : « Le contact visuel avec mon partenaire pendant l’acte sexuel me trigger. J’aime donc les positions qui permettent d’éviter ce contact visuel, notamment parce que je me sens souvent mal à l’aise de ne pas vouloir le regarder. Et pour moi, donner la priorité à mon propre bien-être émotionnel pendant l’acte sexuel, c’est clairement féministe ».

Réinventer la levrette

Pour Pauline, 33 ans, la levrette n’a rien d’anti-féministe. « Pour moi, les pratiques ou position sexuelles quelles qu'elles soient n’ont aucun rapport avec mon militantisme. Ce n’est pas parce que je suis féministe que je dois refuser des positions considérées comme “soumises” d’un point de vue patriarcal. Tant que deux partenaires consentants y prennent du plaisir, je ne vois pas le problème », argue la jeune femme.

La levrette devient même un argument féministe pour celles qui ne parviennent pas à jouir lors de rapports sexuels avec une pénétration vaginale. « Elle peut donner lieu à des caresses, et notamment au “pairing”, une stimulation externe du clitoris, associée à la stimulation interne via la pénétration vaginale, qui peut être source de bien des plaisirs », souligne Noémie Gmür. Il y a quelque chose d'incroyablement valorisant dans le fait de s’y adonner pour son propre plaisir.

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