Si le monde du parfum a longtemps été dominé par des hommes, de nombreuses femmes ont réussi à conquérir cet univers. Des nez féminins qui ont marqué l'histoire par leurs créations olfactives et qui ont révolutionné cette industrie. 

Des nez féminins derrière des parfums iconiques 

Derrière les parfums mythiques La Vie Est Belle de Lancôme ou encore La Petite Robe Noire de Guerlain, se cachent des nez féminins : Anne Flipo et Delphine Jelk. Tout comme Maïa Lernout, Amandine Clerc-Marie, Daniela Andrier et Camille Goutal, elles ont fait de leur amour pour l'olfaction leur métier et ont su se créer une place dans une industrie souvent perçue comme masculine. 

Chacune a un parcours différent mais elles ont toutes ces qualités propres au métier de parfumeures : le désir de créer, la sensibilité et la persévérance. Elles nous racontent comment elles sont devenues Nez et surtout, d'où sont venues leurs inspirations pour créer des parfums aujourd'hui mondialement reconnus. 

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Delphine Jelk, Parfumeure et Directrice de la création chez Guerlain

Guerlain

Delphine Jelk est parfumeure maison chez Guerlain depuis 9 ans et directrice de la création depuis 3 ans. Elle est notamment à l’origine des parfums La Petite Robe Noire et Jasmin Bonheur.

  • Comment avez-vous eu envie de devenir nez ?

Cela s’est fait assez tard. J’ai toujours aimé faire des potions magiques depuis toute petite et je m’imaginais peut-être faire des études de pharmacie. Mais plus pour créer mes propres cosmétiques que de vendre des médicaments. Et c’est amusant car le métier de parfumeure, c’est un peu la pharmacie de la beauté. 

J’ai finalement fait tout autre chose puisque je me suis orientée vers une école de mode à Paris. Pour passer mon diplôme, j’ai dû créer une collection de vêtements. J’ai choisi du cachemire et du lin pour créer un univers très sensoriel et très confortable. J’ai demandé à une Firmenich, une société de parfum, de m’aider à imaginer les parfums en raccord avec cette collection. Ils m’ont suivi dans cette aventure et le côté création de parfum m’a vraiment passionnée. J’ai eu une révélation. En sortant de l’école j’ai eu deux propositions, une pour être styliste chez Margiela et une chez Firmenich… et j’ai choisi le parfum. 

Avec eux, j’ai imaginé des tendances / concepts pour les marques de mode en parfum. En parallèle, il y avait un parfumeur qui me faisait sentir des matières premières et ça a renforcé mon envie de créer mes propres parfums. 

J’ai donc passé le concours de l’école de parfumerie de grasse et je l’ai eu. J’ai adoré apprendre mille matières par coeur, à faire des accords. Je suis ensuite rentrée chez la maison de parfums Drom. Il faut en effet être pris sous l’aile d’un parfumeur sénior pendant trois ans, avant de le devenir soi-même.

  • Faut-il avoir certaines qualités pour entrer dans ce métier ?

C’est un métier créatif. Il faut avoir un imaginaire sans limite et arriver à l’exprimer. 

De mon côté, l’élément déclencheur a été quand j’ai réalisé à quel point les odeurs font du bien. J’ai eu l’impression que les odeurs nourrissaient mon âme.

  • Comment avez vous imaginé La Petite Robe Noire pour Guerlain ?

La Petite Robe Noire, c’est mon histoire magique. Quand on est parfumeur le plus souvent on reçoit un brief, auquel on doit répondre. Mais à cette époque je travaillais chez Drom et pas du tout chez Guerlain. J’ai cependant eu la chance de rencontrer Sylvaine Delacourte, qui s’occupait du développement des parfums de la maison. Elle m’a demandé de lui créer quelque chose pour découvrir mon univers. 

J’ai toujours admiré Guerlain mais pour moi c’était le parfum de ma mère, de ma grand-mère et je ne m’y retrouvais pas. J’avais envie d’apporter beaucoup de modernité, tout en respectant la signature de la Guerlinade, que j’ai tout de suite compris. La guerlinade c’est six matières premières (la bergamote, la rose, le jasmin, l’iris, la vanille, la fève tonka) que l’on va retrouver comme un fil rouge dans les différents parfums de la maison. 

C’est finalement en allant voir le film Marie-Antoinette de Sofia Coppola que j’ai eu une révélation. Je me suis dit c’est elle mademoiselle Guerlain. Toute cette ambiance entre faste historique, la modernité, l’espièglerie et la malice m’ont beaucoup plu. Je me suis notamment inspirée de la scène du goûter avec les macarons pastel La Durée. Je suis partie d’un macaron à la framboise, auquel j’ai associé de l’amande qui donne cet effet cerise. Et j’avais envie de notes plus sombres pour donner un côté plus rock, avec de la réglisse, du patchouli, du thé fumé. Cet accord est devenu la Petite Robe Noire.

Ce lancement n’était pas prévu, puisque ce n’était pas un brief. J’ai amené l’idée à Guerlain et puis fort de son succès c’est devenu le nouveau grand féminin Guerlain. 

  • Votre parfum favori et pourquoi ?

C’est impossible pour moi de répondre. Ce qui est sûr c’est qu’à chaque fois c’est une super aventure, parfois un peu douloureuse, mais toujours aussi épanouissante. La création, c’est avoir des doutes jusqu’au bout.

  • Quelle est la plus grosse difficulté à ce métier ? 

La rareté. Il y a moins de parfumeurs que d’astronautes. Pour devenir nez, il ne faut pas juste le vouloir mais le survouloir. Cela prend énormément de temps de devenir parfumeure, parce qu’il faut faire sa propre expérience. C’est à la fois un métier de transmission et en même temps il faut travailler ses gammes tout seul, car cela est très dépendant des émotions. C’est un véritable métier d’alchimiste.

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Camille Goutal, Parfumeure et Directrice de création chez Goutal Paris

Goutal

Camille Goutal n'est autre que la fille de la célèbre nez Annick Goutal. Elle est parfumeure pour la maison de parfums Goutal, aux côtés d'Isabelle Doyen. Elle est, entre autres, à l'origine du parfum Rose Pompom. 

  • Comment avez-vous eu envie de devenir nez ?

J’ai un parcours un peu atypique car mon premier métier est la photographie. Ma mère étant elle-même nez, j’ai eu la chance de grandir entourée de magnifiques odeurs qui ont éveillé mon imaginaire. Au décès de ma mère, j’ai décidé de reprendre la création des parfums, et je me suis formée au côté d’Isabelle Doyen qui était son assistante et amie, en pesant ses formules et en mémorisant tout ce que j’avais entre les mains. 

  • Faut-il avoir certaines qualités pour entrer dans ce métier ?

Contrairement à ce que l’on pense, avoir un bon nez n’est pas le principal atout. Il faut surtout être extrêmement curieux et attentif à ce qui nous entoure, savoir capter une atmosphère, un moment. Et surtout, être capable de le retranscrire en odeur! Et c’est là que commence le long travail de fourmi, essai après essai, pour essayer d'aboutir à une odeur qui soit à la fois conforme à notre idée de départ, mais aussi qui sache éveiller une émotion chez celui qui va la porter.

  • A quelles difficultés avez-vous été confrontées ?

Comme on commence souvent une formule en ayant une idée très définie de ce que l’on veut obtenir, le plus compliqué est d’arriver à retranscrire « en vrai »  ce que je « sens » dans ma tête. Plus l’idée est précise, plus le chemin est long et compliqué, car sinon je suis déçue par mes essais.

Si au contraire, l’idée n’est qu’une esquisse, elle peut évoluer au fur et à mesure des essais et le résultat me semble plus simple à obtenir. 

L’apprentissage est également très long. Et mémoriser tous les noms des essences et molécules n’est pas simple, surtout si comme moi, vous avez une mémoire de poisson rouge. Seul le travail et la persévérance au quotidien le permettent. Mais finalement tous ces noms, même les plus bizarres, sont assez poétiques et forment une sorte de mélodie dans ma tête qui m’aide à les mémoriser.

L’autre difficulté, c’est la législation, qui nous restreint souvent côté créativité, mais qui en même temps nous force à trouver d’autres voies pour peaufiner notre idée.

Sans parler des nouveaux impératifs du marché qui exige des parfums toujours plus puissants et qui tiennent des jours et des jours. Résultat, les parfums et leurs notes de fond se ressemblent de plus en plus, car pour avoir cet effet « long-lasting », les parfumeurs sont tous obligés d’utiliser plus ou moins les mêmes notes. Il y a beaucoup de confusion et une fausse corrélation entre tenue, puissance et qualité. Un parfum puissant peut autant être de bonne ou mauvaise qualité qu’un parfum léger. Cela n’a rien à voir. Et c’est dur d’expliquer cela aux clients.

  • Comment créez-vous vos parfums ? Quelles sont vos inspirations ?

Nous partons d’une idée précise, d’une odeur qui existe déjà dans notre tête. Nous pouvons la sentir avant même qu’elle ne soit créée concrètement.

Pour cela, nous utilisons nos souvenirs, nos expériences, nos voyages, les livres que nous avons lus, la musique que nous écoutons, les peintures que nous aimons. Toutes ces œuvres nous nourrissent d'une manière ou d'une autre. La nature aussi est une grande source d'inspiration. 

Une fois que nous avons notre idée, nous élaborons une mini-formule de base qui est comme la charpente du parfum. Puis nous faisons énormément d'essais en rajoutant des ingrédients un par un. Nous comparons les essais, puis ne gardons que ceux qui nous plaisent. C'est ainsi que la formule s'allonge petit à petit, pour atteindre en moyenne 60 à 80 ingrédients. Mais il n'y a pas de règle, cela peut être beaucoup plus ou beaucoup moins.

  • Votre parfum favori et pourquoi ?

Chez Goutal, je suis fan de Petite Chérie, une rose fruitée, indémodable, féminine, un peu effrontée. Il me rappelle ma mère évidemment, car elle l’avait créé pour moi, mais surtout, il porte en lui une joie de vivre irrésistible. C’est un parfum qu’on a envie d’offrir à toutes les femmes qu’on aime !

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Anne Flipo, Maître Parfumeure pour Lancôme

IFF / Lancôme

Anne Flipo est Maître Parfumeure chez IFF. Elle a récemment reçu le Prix d'Honneur lors de la 16ème édition du Prix François Coty. Elle est le Nez du parfum iconique La vie est belle de Lancôme. 

  • Comment avez-vous eu envie de devenir nez ?

Je suis née dans un village à côté d’une très jolie ville, Laon, dans l’Aisne, et j’ai passé mon enfance dans ce village. J’étais la troisième de quatre enfants. J’ai été élevée par une maman moitié française moitié italienne et par un papa qui dirigeait une sucrerie. Mais nous avons surtout été élevés par ma mère, une femme magnifique, très très belle, brune, les yeux noirs, des jambes kilométriques, une classe folle, toujours très bien habillée, mais qui vivait de façon très isolée. Nous vivions avec elle dans sa solitude et un système éducatif très exigeant. Elle voulait la meilleure éducation possible pour nous, sur le plan des études, mais aussi au niveau artistique et sportif. Un jour, je me suis rebellée, j’ai dit que je voulais être libre, faire ce que je voulais. Mais ce que je voulais, je ne le savais pas encore, j’avais juste grandi dans un magnifique jardin entretenu par un jardinier, un jardin dans lequel poussaient des fleurs toute l’année. Je ne sais pas si c’est ce jardin, ou le métier du sucre, ou ma grand-mère qui habitait Laon et qui avait l’art de recevoir, l’art de vivre, la cuisine ? Toujours est-il que, quand est arrivé le moment du choix des études, j’ai choisi l’ISIP qui formait en trois ans au métier d’aromaticien, à la cosmétique et à la parfumerie. Je rentre donc à l’ISIP, l’école de parfumerie de Versailles, je commence à apprendre à sentir et là, c’était juste facile. 

  • Faut-il avoir certaines qualités pour entrer dans ce métier ?

Il faut bien sûr une passion du parfum, car c’est un métier exigeant, il faut de la résilience, car on échoue plus souvent qu’on ne réussit, et il faut de la rigueur, car on ne triche pas avec les ingrédients de parfumerie, et bien sûr, la vision créative !

Ma plus grande ambition, c’est la transmission. Je ne cherche pas la postérité, être oubliée ce n’est pas grave, cela n’a aucune importance. En revanche, je m’attache à "mentorer" les jeunes, les aider à gagner, à penser autrement, à lâcher sans lâcher tout en lâchant sans lâcher… En un mot, à se trouver. Parce qu’au fond, c’est tout le sujet, et c’est autant un bonheur qu’une douleur, parfois. C’est beaucoup d’abnégation, c’est beaucoup de travail, le parfum.

  • A quelles difficultés avez-vous été confrontées ?

Dans les années 2000, je suis entrée chez IFF, qui constitue une société à part dans le monde très masculin du parfum. Quand j’ai commencé, on m’avait dit : "Une femme parfumeur, certainement pas." Heureusement que ma mère nous avait élevées, ma sœur et moi, en nous répétant sans cesse qu’on avait autant de chances que les garçons, sinon plus… Mais chez IFF, je respire, c’était plus ouvert, il y avait des femmes qui avaient sorti leur épingle du jeu, des Joséphine Catapano, Sophia Grojsman, qui ont fait les plus belles notes de la parfumerie.  IFF n’est pas seulement une société inclusive, elle prône également la collaboration entre parfumeurs. J’ai appris quelque chose de nouveau, un choc pour moi : travailler avec d’autres parfumeurs. Pour moi qui suis une grande solitaire, c’est vraiment un apprentissage, mais j’ai adoré, tant qu’on me laisse me reprendre, me ressourcer, me reconnecter à moi-même. Réussir à travailler avec les autres parfumeurs, ça te challenge, tu apprends, ça m’a beaucoup servi. Curiosité, honnêteté, respect, émotion… C’est ça qui permet de passer à la vitesse supérieure : l’humilité et le plaisir.

  • Comment créez-vous vos parfums ? Quelles sont vos inspirations ?

Je suis très rigoureuse et très disciplinée. Aujourd’hui, après trente-cinq ans de parfumerie, j’ai toujours le même rythme de travail. Le cœur du réacteur, c’est qu’entre deux heures et quatre heures de l’après-midi, je n’agis pas, je suis présente et absente, je suis dans le vague et je laisse les idées venir et partir. C’est comme un processus méditatif très orchestré qui me permet de jouer avec mon cerveau : faire tout entrer et laisser sortir… Puis je fais le tri et je garde juste ce qu’il faut, tous les jours. Autour de ce temps suspendu et fragile que je protège de toute interruption, le matin je me jette sur mon ordinateur, je sais exactement quelles sont mes priorités et ce qu’il faut que je fasse, et le soir, après avoir tout senti, j’orchestre le matin suivant.  Les idées sont partout, il suffit de rebondir. J’ai aimé cette citation de Hans Hartung : "En peinture il faut que tout soit juste, les lignes, les courbes, les formes, les angles, les couleurs, pour former l’image qui puisse durer, qui soit l’expression définitive d’un phénomène." En parfum c’est pareil, il faut que tout soit en place.

Ce qui est compliqué, c’est de savoir quand s’arrêter. Ce qui est important, c’est l’idée, que ton idée soit forte et qu’à la fin du projet tu sois capable de la reconnaître. Ça peut être une idée de structure olfactive, mais ce n’est pas une idée olfactive. Ce n’est pas une odeur. Par exemple, je ferme les yeux et j’ai l’image de l’odeur de ma maison à Saint-Josse qui me vient immédiatement, je la visualise comme une photo, mais ce n’est pas un parfum. Pour un parfum, je ne vais pas forcément avoir la photo olfactive de ce que je vais faire, mais je vais savoir ce que j’aurai envie de travailler et de retravailler. L’idée après va être comme un tableau, je vais la faire à ma façon, la composer, ou la déstructurer, ou la restructurer… Ce qui me plaît le plus dans le parfum, c’est la formulation, c’est la technique, la maîtrise de l’écriture, parce que si tu maîtrises l’écriture tu vas avoir le plaisir. C’est ça qui me plaît, c’est de jongler avec les ingrédients, les matières premières, les naturels, réfléchir à la façon dont je vais jouer avec, car finalement la magie est là, dans le "comment tu vas faire".

  • Votre parfum favori et pourquoi ?

Je suis très fière d’avoir créé un succès mondial comme La Vie est Belle, porté par tant de femmes à travers le monde. Un grand classique que je porte, en plus de tous mes essais en cours : Libre, de YSL, que j’ai créé aussi.

  • Quelle a été votre inspiration pour le parfum La vie est belle ?

Pour le parfum La Vie Est Belle, l’idée de départ était de créer un parfum sincère. Pour moi, cela signifiait simplicité et qualité. C’est pour cela que nous avons choisi l’iris, un trésor de la parfumerie, sublimé d’un accord gourmand ultra-addictif. C’est lui qui apporte une régression délicieuse à la fragrance, c’est le sourire du parfum. Une telle association et la très belle qualité de ses ingrédients en font la signature unique.

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Maïa Lernout, Parfumeure pour Lolita Lempicka

Takasago

Maïa Lernout est une Parfumeure de renom. Elle est notamment à l'origine de plusieurs parfums Lolita Lempicka, dont Mon Petit et LolitaLand. 

  • Comment avez-vous eu envie de devenir nez ?

J’ai été sensibilisée très jeune, par l’éducation que j’ai reçue à apprécier et découvrir tout mon environnement par mes sens. Ma mère m’emmenait souvent dans les musées ou me montrer des œuvres, ma grand-mère me parlait de sa passion pour le mobilier et l’art en général. L’esthétique à travers tous les sens faisait partie de mon quotidien. Ensuite grâce à une super professeure de français. J’ai lu à 13 ans le livre de Süskind, Le Parfum. Je n’ai pas vraiment compris la tragédie sordide de cette histoire mais j’ai été fascinée par les descriptions olfactives. Puis j’ai découvert grâce à un "envoyé spécial" que le métier de parfumeur(e) s’apprenait et qu’il existait des écoles. J’ai été emballée par ce mélange de rigueur scientifique et de créativité.

  • Faut-il avoir certaines qualités pour entrer dans ce métier ?

Humainement, il faut être tenace, humble, résilient, développer à la fois suffisamment de confiance en ses idées  mais aussi une capacité à les remettre en question. Tenace, parce que l’apprentissage est long, humble parce qu’il faut comprendre que quand on pense avoir tout compris c’est qu’on a pas assez cherché et qu’il faut recommencer, résilient parce qu’on nous dit plus souvent "non ça ne va pas" que "c’est super !". Et puis surtout il faut beaucoup travailler !

  • A quelles difficultés avez-vous été confrontées ?

Cela surprend souvent les gens quand j’explique que c’est une profession dans laquelle il y a beaucoup de compétition, parce que les sociétés de compositions dans lesquelles les parfumeurs sont salariés sont mises en compétition les unes aux autres sur un même projet, un peu comme les agences de création dans la pub. C’est une facette du métier qui peut être stimulante pour certains parfois difficile comme dans le sport où on se retrouve en compétition en face de ses amis.

  • Comment créez-vous vos parfums ? Quelles sont vos inspirations ?

On créé un parfum sur la base d’un brief. Le brief est imaginé par les équipes marketing de chaque marque et raconte l’histoire qui veut être dite à travers ce parfum avec des mots, des mood boards, parfois des vidéos. A nous, parfumeur(e)s, en partant de cette histoire de la traduire en une construction olfactive qui soit mémorable et avec un long sillage. Mes inspirations viennent d’abord de l’ADN et l’histoire de chaque marque ou créateur. Mais un brief peut faire écho à des références personnelles, comme une expo que je viens de voir, ou le souvenir d’un paysage exceptionnel.

  • Votre parfum favori et pourquoi ?

Je n’ai pas vraiment de parfum favori mais j’ai été marquée dans mon enfance par des signatures olfactives très fortes comme un Diorissimo de Christian Dior, Giorgio Beverly Hills ou Must de Cartier.

Vidéo du jour :
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Daniela Andrier, Parfumeure pour Prada

@GIVAUDAN

Daniela Andrier est à l'origine de nombreux parfums pour Prada, dont les célèbres Infusions de la maison. 

  • Comment avez-vous eu envie de devenir nez ? 

J’étais étudiante en philosophie lorsque j’ai appris que l’on pouvait être un nez. Je croyais depuis mon enfance que les couturiers créaient eux-mêmes leurs parfums, mais je ne me posais pas même la question de l’origine des parfums. C’était pour moi des philtres magiques, qui enchantaient le royaume de l’enfance, perduraient à l’adolescence et m’attireraient jeune adulte dans les parfumeries. A l’instant précis où j'ai réalisé que c’était un métier, j’ai su que ce serait le mien. Mais c’était comme si on me disait que l’on pouvait être l’assistant de Merlin l’Enchanteur. 

  • Faut-il avoir certaines qualités pour entrer dans ce métier ? 

Nous avons tous l’aptitude magique de sentir, bonnes ou mauvaises, émouvantes ou dangereuses , les odeurs invisibles bordent nos chemins… Pour être parfumeur il faut aimer se perdre des journées entières dans le labyrinthe infini du monde des odeurs, un filet de papillon à la main à pourchasser jour après jour de nouvelles combinaisons merveilleuses. 

  • A quelles difficultés avez-vous été confrontées ? 

A surmonter les échecs, à déployer des trésors de patience car les projets sont parfois très longs, et à concilier exigences poétiques et exigences extérieures…

  • Comment créez-vous vos parfums ? Quelles sont vos inspirations ? 

Je travaille bien, inspirée pour et par les gens que j’aime, et par des univers que je comprends et qui m’enchantent. J’ai un rituel, je dois d’abord nommer le parfum que je vais inventer. Puis quand le nom est en haut de la page blanche, et en l’occurrence de mon ordinateur, je glisse par la porte de l’armoire qui mène dans le monde de Narnia, je retrouve le monde de l’enfance, celui où tout est possible, léger, joyeux et plein de fantaisie. Jaillit alors je ne sais d’où et je ne sais vraiment comment une formule, qui provient d’une source claire. Elle se fraye son chemin sans hésitation, rapidement et me laisse à chaque fois le bonheur de faire ce métier. 

  • Votre parfum favori ? 

Mon parfum favori, ce sont les Infusions de Prada, elles incarnent pour moi ce lien magique entre nos paysages intérieurs, ce relief de nos émotions, de notre mémoire, et de notre quotidien. Elles sont tendres, sophistiquées mais naturelles, transparentes mais sensuelles, simples mais complexes. Elles établissent un joli dialogue avec notre entourage. La dernière en date : l’infusion de Figue, feuille de Figuier et lait de figue, entre ombre et lumière dans la douceur de la fin d’été.

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Amandine Clerc-Marie, Parfumeure pour Valentino

Givaudan

Amandine Clerc-Marie a créé de nombreux parfums best-sellers, tels que le parfum féminin Chloé et La Nuit Trésor à la Folie de Lancôme. Elle est aussi à l'origine du dernier-né de Valentino, Born In Roma Intense, en collaboration avec Honorine Blanc.

  • Comment avez-vous eu envie de devenir nez ?

Ma mère travaillait dans l’industrie du parfum ce qui m’a permis de découvrir ce métier très tôt, avec mes yeux d’enfants. J’ai compris que l’on pouvait créer ou recréer des odeurs, ce qui était assez magique pour moi. Plus jeune, j’étais tout le temps dans la nature, je faisais des mixtures dans mon jardin. J’ai eu assez tôt ce côté créatif, cette sensibilité aux odeurs. 

Plus tard, je me suis donc inscrite à l’ISIPCA, la seule école de parfumerie renommée à l’époque, et j’ai fait de cette passion pour les odeurs mon métier. 

  • Faut-il avoir certaines qualités pour entrer dans ce métier ?

Je dirais que c’est une combinaison de plusieurs qualités. Il faut être sensible à l’olfaction, c’est essentiel. Mais cela ne fait pas tout. Il faut aussi être très curieux et persévérant.

C’est un métier que l’on apprend encore beaucoup avec un maître parfumeur. Cela prend du temps. Ce sont des années d’apprentissage pour connaître ses gammes. Cela demande beaucoup de travail de mémorisation. C’est un métier qui demande d’apprendre toute sa vie. 

Le propre des gens qui créent c’est d’avoir l’esprit ouvert et d’être réceptif. 

  • A quelles difficultés avez-vous été confrontées ?

Le métier de parfumeure est lié à une industrie, il y a tout un contexte technique, technologique et de performance, qui doit être travaillé à partir d’un accord. Le plus difficile selon moi, c’est de tenir sur la longueur. De réussir à se renouveler tout en tenant une note sur plusieurs années. 

  • Quelle a été votre inspiration pour le parfum Born In Roma ? 

J’ai co-créé le parfum Born In Roma de Valentino avec Honorine Blanc. Nous avons travaillés un trio de jasmin avec une vanille sensuelle. L’idée est de trouver des points de départs assez simples pour ensuite en faire quelque chose. Être performant, mais simple à la fois. 

Dans ce métier, les matières premières nous inspirent pour réinventer les classiques. Ce qui est très important c’est le nom donné à l’accord, cela met un cadre en place que l’on suit tout au long du développement. Un accord fort au départ peut pallier à cette difficulté de tenir dans la longueur.

  • Quel est votre parfum favori et pourquoi ?

Depuis l’adolescence c’est Angel de Mugler. Il m’a suivi pendant des années. Il est fabuleux, simple, beau et impossible à oublier. 

[Dossier] Spécial Parfums - 10 articles à consulter

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