Les hommes seraient terrorisés à l’idée de s’engager. Une idée reçue tenace, largement encouragée par la pop culture, qui a longtemps fait de ce terreau fertile son fond de commerce. Une vision sans nuances des choses, selon laquelle les femmes n’auraient qu’une envie, se marier et fonder une famille, tandis que les hommes profiteraient des joies du célibat en attendant que quelqu’un finisse par leur mettre le grappin dessus. Les hommes seraient ainsi plus volages, moins sérieux et pas franchement fans de à l’idée de s’engager, tandis que les femmes n’attendraient que ça. Un joli cas de sexisme ordinaire, auquel il serait grand temps de remédier.

« La peur de l'engagement est davantage une question de personnalité, de vécu, d'histoire personnelle que de genre », confirme Marjorie Cambier, psychologue clinicienne et sexothérapeute. « On a tendance à penser que les hommes sont les seuls à vouloir s'amuser et rencontrer de nombreuses / nombreux partenaires avant de s'engager et de construire une relation amoureuse, mais c’est bien sûr faux », précise la thérapeute.

Pourquoi pense-t-on encore que les hommes ont peur de s’engager ?

En cause : des stéréotypes tenaces, qui tendent à évoluer, doucement mais sûrement. « Les stéréotypes sur les comportements des hommes et des femmes sont encore très répandus - les hommes ne veulent pas s’engager, les femmes sont plus maternelles, etc… -, alors que la réalité a changé et que les mentalités ont évolué. Ces changements sont dus aux évolutions de notre société mais ces représentations mettent du temps à s’ajuster », précise notre experte.

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Si on associe aujourd’hui davantage la peur de l’engagement au genre masculin, c’est tout simplement car les femmes n’ont finalement le choix de s’engager ou non que depuis très peu de temps. Une micro seconde à l’échelle de l’humanité. Être une femme célibataire - qui enchaîne les conquêtes ou non - dans un monde où seuls les hommes pouvaient travailler, ouvrir un compte en compte en banque et subvenir à leurs besoins, relevait de l’exceptionnel, de l’original, de l’incongru. Au point de considérer celles qui s’y essayaient comme anormales, marginales… voire comme d’inquiétantes sorcières à l’époque des procès de Salem. De quoi en refroidir plus d’une à l’idée de refuser de se marier.

Les stéréotypes sur les comportements des hommes et des femmes sont encore très répandus

Sauf qu’aujourd’hui, les choses ont - heureusement - évolué. Si choisir de ne pas s’engager, de ne pas avoir d’enfant, reste encore souvent compliqué pour les femmes - encore trop souvent réduites à leur utérus et à leur capacité d’enfanter -, la possibilité de s’émanciper de ses carcans est désormais possible.

De quoi remettre les pendules à l’heure et dissocier, petit à petit, le refus ou la peur de l’engagement du genre masculin. « La sexualité féminine s'est en effet relativement libérée ces dernières années, et les femmes revendiquent également leur liberté sexuelle, leur volonté d'assouvir leurs désirs, de séduire, de rencontrer différent(e)s partenaires, etc… avant de s’engager, ou non, dans une relation », souligne Marjorie Cambier.

Les causes de la peur de l’engagement des hommes

Il est important de différencier la peur de l’engagement du refus de l’engagement, même si les deux peuvent être liés. Thomas, chef de projet parisien de 41 ans, a expérimenté les deux. « Quand j’ai rencontré celle qui, quelques années plus tard, est devenue la mère de ma fille, j’avais 23 ans. À l’époque, je n’avais pas envie de m’installer dans une relation sérieuse, j’avais envie de multiplier les expériences et de profiter d’une certaine liberté. Ce n’était donc pas une peur de m’engager mais un refus d’abandonner ma vie de célibataire. J’ai finalement changé d’avis quelques semaines après notre rencontre, et nous sommes restés 14 ans ensemble », nous explique Thomas.

Il poursuit : « J’avais 37 quand nous nous sommes séparés. Quand j’ai commencé à faire des rencontres amoureuses à nouveau, je ne cherchais rien de sérieux, je n’avais aucune envie de m’engager à nouveau. D’une part car j’espérais la retrouver, mais aussi car j’avais perdu confiance dans la vie à deux, dans l’amour. J’avais peur de souffrir à nouveau et m’engager avec quelqu’un d’autre signifiait prendre le risque d’être déçu une nouvelle fois ». Il aura fallu plusieurs années à Thomas pour comprendre les raisons de sa peur de s’engager à nouveau : « j’ai fini par comprendre que c’est la peur qui alimentait ce refus de m’engager, une peur qui me bloquait dans ma vie, que j’essaye aujourd’hui de surmonter. »

Ce n’était donc pas une peur de m’engager mais un refus d’abandonner ma vie de célibataire

Les raisons de la peur de l’engagement sont multiples et nombreuses. Elles varient d’une personne à l’autre et sont le fruit du son vécu, de son histoire personnelle. « On peut avoir des difficultés à s'engager par manque de confiance en soi, à cause d'une histoire personnelle marquée par des carences affectives ou bien une problématique d'abandon ou de rejet », précise Marjorie Cambier.

Pour Antoine, vendeur toulousain, c’est la crainte de perdre sa liberté qui l’a longtemps poussé à rejeter toute idée d’engagement. « J'ai eu 30 ans le mois dernier donc je commence à y réfléchir sérieusement. Il y a quelques années, j'aurais défendu une certaine idée de la « liberté », c’est-à-dire pas d'engagement vraiment significatif. Je pense que j'avais surtout peur de laisser tomber une partie de mon adolescence. Aujourd’hui, je suis plus dans le camp du "pourquoi pas", si les conditions sont réunies : bonne personne, situation correcte pour pouvoir assurer une vie à deux, etc… »

Je pense que j'avais surtout peur de laisser tomber une partie de mon adolescence

La peur de l’engagement, cela peut aussi tout simplement être la peur que les choses évoluent. De voir sa vie prendre un nouveau tournant. Un changement qui peut faire peur, tout particulièrement quand on commence à réfléchir à fonder une famille et se frotter ainsi à des nouveautés colossales.

Pour Bastien, ingénieur parisien qui est resté célibataire toute sa vingtaine, c’est là que le bat blesse. « J’ai 31 ans, on pourrait dire l’âge de se poser, surtout qu’autour de moi c’est mariage, bébé, mariage, bébé… Avec ma copine, il m’arrive d’avoir des doutes, de me demander si je vais dans la bonne direction. Et ça me fait peur. J’ai réussi à lui en parler, et elle aussi m’a confié parfois avoir peur de se tromper, malgré tout son amour pour moi. Ce qui, étrangement, m’a pleinement rassuré. Nous avons aujourd’hui tout plein de projets tous les deux et avançons petits pas par petits pas. »

Manon, commerciale de 32 ans, a dû remonter dans sa petite enfance pour comprendre sa peur panique de s’engager. « Je n’ai jamais connu mon père, ma mère m’a élevée seule et m’a toujours répété qu’on ne pouvait compter que sur soi. Résultat, j’ai beaucoup de mal aujourd’hui à accepter l’idée de me reposer sur quelqu’un et surtout à faire suffisamment confiance pour lâcher prise. Pour moi, s’engager avec quelqu’un, c’est se mettre en danger. Et cela me terrorise. J’ai conscience de cela aujourd’hui, j’y travaille et j’évolue jour après jour. »

Mais finalement, c’est quoi l’engagement ?

On a tendance à associer engagement à emménagement à deux, mariage et enfant. Une vision quelque peu simpliste des choses, qui occulte tout un pan de la notion d’engagement. Celui de se montrer présent(e) pour l’autre, de le/la soutenir dans les épreuves de la vie, de l’accompagner jour après jour. Sans pour autant être passé(e) devant le maire.

« Je pense que l’engagement n’est pas forcément synonyme de mariage, ou de vie commune etc... Pour moi, on est engagé un peu naturellement à partir du moment où on est bien et exclusif avec une autre personne. D’ailleurs, certains de mes amis disant avoir peur de l’engagement sont, selon moi, déjà engagés sans même s’en rendre compte », confie Tarik, journaliste de 29 ans. Il poursuit : « Personnellement, je n’ai jamais vraiment été confronté à la peur de l’engagement. Pour moi, la question ne s’est pas vraiment posée avant d’avoir rencontré la bonne personne. Avec elle, les différents engagements ont été simples puisque nous étions heureux ensemble ».

L’engagement est une notion très personnelle. Certains petits gestes, insignifiants pour certains, seront pour d’autres une grande preuve d’implication dans la relation. Mais encore faut-il pouvoir le dire ou le faire comprendre à son ou sa partenaire, qui peut se sentir seul(e) dans la vie de couple. Il n’est pas toujours facile d’avancer à deux au même rythme, malgré l’amour et la tendresse que l’on porte à l’autre. Ce qui peut générer de l’insécurité et des tensions dans le couple, qui peine alors à évoluer sereinement. La communication est alors essentielle pour apaiser les choses et poursuivre à deux. Et ce, peu importe son genre.