Étymologiquement le charisme nous vient du grec, « kharisma », qui voulait dire « grâce accordée par Dieu ». Si depuis le terme a perdu sa connotation divine, il a conservé cette dimension magique, cet aspect de mystère inné qui ferait de quelqu’un une personne que l’on a envie de suivre. Sandrine Meyfret, coach, directrice du cabinet de conseil en management Alomey et à l’origine de l’ouvrage Gagnez en impact, associe ce X factor à une forme de lumière. « Ce sont des personnes qui portent quelque chose de lumineux, il y a un rayonnement de vie ou d’amour qui les dépasse » explique-t-elle. Mais pas de panique, aussi abstraite cette lumière puisse sembler, la consultante précise « je suis convaincue que le charisme s'apprend » Alors, quelles sont les leçons ?

« La personne charismatique rayonne en aimant les autres »

Lorsqu’on pense charisme, on peut avoir tendance à se figurer une personne sûre d’elle, éloquente, « qui en impose ». La clé serait alors la confiance en soi. Mais pour Sandrine Meyfret la réponse est moins évidente. « Il y a une confiance qui nourrit le charisme, mais ce n’est pas nécessairement en soi. Ce peut être une confiance en la vie, en les autres », explique-t-elle. Plus que la confiance ce qui compte serait l’acceptation de soi, qui consiste à « accepter ce l’on est avec ses défauts et ses qualités et l’apprentissage qui nous reste encore ».

De cette notion d’apprentissage perpétuel découle naturellement celle d’ouverture. Les personnes charismatiques sont des personnes tournées vers l’interaction « même silencieuse » précise l’autrice. Elle évoque le terme grec d’agapé qui désigne un amour désintéressé, tourné vers l’autre : « la personne charismatique rayonne en aimant les autres ».

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Rester humble et faillible

« Le charisme est toujours une qualité attribuée par les autres, on ne dit pas de soi qu’on est charismatique » remarque Sandrine Meyfret. Loin d’être égocentrés, les individus charismatiques ont la capacité de reconnaître que parfois leur magnétisme ne prend pas. « Il faut arriver avec son ouverture mais ça ne veut pas dire qu’elle déclenchera quelque chose chez l’autre. Il faut accepter qu’on n’a pas de super-pouvoirs. » Elle ajoute, « nous sommes tous des pauvres humains et parfois, parce qu’on est fatigué, parce qu’on traverse une épreuve, la lumière intérieure faiblit », insistant sur le fait que reconnaître sa nature faillible n’enlève rien au charisme. « On fait ce qu’on a à faire et on fait du mieux qu’on peut pour toucher le maximum de gens mais après il y a quelque chose qu’on ne maîtrise pas. »

Travailler son attitude physique

Peut-être que ces premiers points semblent compliqués à travailler. Rassurez-vous, un autre trait commun aux personnes charismatiques est l’attitude physique et la coach avoue que celle-ci est plus simple à travailler et peut être un point de départ. Chez ces individus le corps, comme l’esprit, a une posture ouverte. « Le regard aussi dit quelque chose. Quelqu’un qui n’ose pas regarder par exemple, ça dit sa peur » explique-t-elle. « On peut travailler ces petits détails, dans la posture, dans les gestes et quand on apprend à notre corps à s’ouvrir, y a quelque chose de nous qui se débloque ».

Accueillir ses émotions

Difficile de se figurer une personne charismatique s’écrouler face aux tourments de la vie. Pour autant cela ne veut pas dire qu’elles ne sont pas sujettes aux émotions, bien au contraire. Sandrine Meyfret souligne par exemple l’importance de la colère dans la trajectoire de figures politiques charismatiques comme Martin Luther King ou l’Abbé Pierre. « Ce qui compte c’est la façon dont on accueille les émotions, ce qu’on en fait et comment on entraîne l’autre dans cette émotion » explique-t-elle. Il faut donc « travailler et contrôler sa réaction », si on réagit de manière excessive il sera difficile de transmettre notre ressenti. « Comme dit l’expression, on n’attire pas les mouches avec du vinaigre » plaisante-t-elle.

Oser montrer de soi

Enfin, la clé du charisme est de se positionner, de se montrer. Ce qui peut être difficile, « dans notre système d’éducation, on ne pousse pas les enfants à faire ça. On apprend à réciter, à présenter mais en devant presque disparaitre », note la coach. « Pourtant il y a une notion d’acceptation, accepter de se présenter au monde tel qu’on est et accepter ce que les gens voient de nous. »

Justement, cet aspect d’oser se montrer peut-être plus difficile pour les femmes. « On a tendance à parler d’homme charismatique plus que de femme charismatique » note la spécialiste, « la question d’être née femme n’est pas neutre dans le sujet du charisme ». « Il y a beaucoup de femmes d’ailleurs qui parlent de leadership au féminin, mais aucune ne parle de charisme non-genré » continue-t-elle. Et à ce sujet, elle revêt sa casquette de sociologue, soulignant toutes les injonctions qui pèsent sur les femmes, « pour les hommes il y en a aussi mais c’est différent, c’est être fort, être un guerrier, un "meneur d’hommes" tandis que les femmes doivent rester modestes, ne pas parler. » Le manque de modèles féminins charismatiques constitue un obstacle supplémentaire. « Pour les femmes, il y a plein d’interdits, de freins dans leur inconscient et vous ne vous présentez pas au monde de la même manière quand vous avez été maltraitée par des petites remarques sexistes, des manques de considération et tout ces autres moments invisibles », explique la coach qui déploie un programme spécialement dédié aux femmes qui voudraient se détacher de ces blocages.  

Sortir de la position de recul quand on est une femme

Pourtant, si le charisme se définit par l’attention qu’on peut porter à l’autre, les femmes éduquées à prendre soin de l’autre, à déployer un travail de care incessant, devraient exceller. Sandrine Meyfret précise : « Dans le cas du charisme, on donne avec ce que l’on est, on est dans une posture où on va vers l’autre. Or dans le care, les femmes s’occupent de l’autre en se mettant dans une position de recul, de disparition dans le service. » Elle cite un exemple pratique « j’entends encore des femmes dire « ce n’est pas moi, c’est mon équipe », c’est une façon de se placer derrière. » Pour être charismatique, il faut être « dans le présent ici et maintenant » tandis que les femmes « sont toujours en train de penser à ce qu’elles viennent de faire, ce qu’elles vont faire après, en se plaçant en recul ». Une position inconsciente à considérer, donc, pour tenter d’en sortir car le charisme n’a plus à être genré.