Dans l’imaginaire collectif, la masturbation compulsive est souvent associée à une obsession pour le sexe. Mais cette dépendance sexuelle, comme toute addiction, est une réelle souffrance pour ceux et celles qui en sont victimes. La sexologue Evelyne Dillenseger nous alerte sur les dangers d’une addiction à la masturbation. 

La masturbation compulsive, c’est quoi ? 

La masturbation est « l’envie sexuelle de se donner du plaisir à soi-même », rappelle d’emblée Evelyne Dillenseger, sexologue. En effet, « il n’y a pas de normalité, c’est une pratique sexuelle propre à chacun.e », continue la sexologue. 

Mais lorsqu’elle prend des aspects compulsifs, il s’agit d’« un trouble psychologique et sexuel, une dépendance à l’acte sexuel », analyse la spécialiste. Comme toute addiction, la masturbation compulsive est dictée par des pulsions qui ne peuvent pas être contrôlées. 

Plus l’acte se répète, plus la masturbation n’est plus juste un désir sexuel. Mais au-delà de la question de la fréquence, c’est quand la souffrance apparaît que l’on peut considérer qu’il y a un réel problème. « Elle répond à un besoin qui doit être comblée, le plaisir n’est même plus ressenti, c’est un automatisme hors de contrôle », poursuit la sexologue. La personne n’y prend plus le même plaisir, elle doit le faire pour apaiser une tension.

Comment expliquer la dépendance à la masturbation ? 

« Il n’y a pas réellement de cause, ce sont juste des personnes qui vont se masturber à un rythme de plus en plus fréquent et faire de cette activité sexuelle une habitude », signale Evelyne Dillenseger. Mais la masturbation compulsive peut être déclenchée par plusieurs facteurs : 

Vidéo du jour :
  • L’isolement social, la masturbation peut être perçue comme un moyen de s’occuper seul.e
  • Le manque de confiance en soi, l’individu est complexé par son corps et a peur d’avoir une relation sexuelle avec un.e autre
  • L’anxiété, la personne se masturbe dès qu’elle est angoissée
  • Un rituel, la sexologue prend l’exemple de la douche qui peut être vu comme un rendez-vous avec soi-même.

Cette addiction ne cible pas un type de profil particulier, même s’il faut avouer que « les hommes se masturbent plus que les femmes », explique la spécialiste. « Ils consomment également plus de contenus pornographiques et ont donc plus de chances de tomber dans cette dépendance », informe la sexologue. 

Si la masturbation a de nombreux bienfaits, ce n’est plus le cas lorsqu’elle a un impact sur la vie sociale et personnelle de la personne. « Quand la masturbation prend le dessus sur d’autres activités, qu’elle dure plusieurs heures, qu’elle vous empêche de travailler et de sortir, c’est à ce moment-là qu’elle devient une addiction », alerte la sexologue. 

Quelles sont les conséquences de la masturbation compulsive ? 

La masturbation compulsive présente des risques. « À force d’être sollicitées, les parties génitales peuvent être irritées. On peut avoir des lésions sur la vulve ou la verge », rapporte Evelyne Dillenseger. Une autre conséquence est le temps consacré à cette activité. « Le désir sexuel prend le dessus sur le sommeil, par exemple, si on se masturbe tous les soirs pendant 3 heures, on dort moins », informe la sexologue. Des insomnies sont fréquentes chez les dépendants à la masturbation.

Enfin, cette addiction sexuelle est tellement présente dans le quotidien de la personne qu’elle mettra des stratégies en place pour la pratiquer. « Les repas seront mangés plus rapidement ou seront parfois évités », déclare la spécialiste. « La personne dictée par son addiction se masturbera à son travail ou dans un train, au risque de se faire surprendre », déplore la sexologue.

La vie sociale peut être très perturbée. Le besoin de s’isoler est de plus en plus pressant. « L’addiction prend le pas sur les rencontres et les activités, on se délaisse complètement et on est plus dans le social », précise la sexologue. Mais même si la personne veut aller contre cet isolement, l’envie sexuelle est toujours présente. Et, « si on ne répond pas à ce besoin, on devient plus nerveux et irritable. On commence à avoir mal à la tête, on n’est plus soi-même, l’obsession nous envahit », renseigne la spécialiste. 

La masturbation en couple n’est pas un problème, mais Evelyne Dillenseger précise que le plaisir individuel n’est pas le même que celui partagé avec son ou sa partenaire. Cette distinction est à prendre en compte, puisque « si on s’habitue trop au plaisir solitaire, alors on va négliger notre couple », alerte la sexologue. L’isolement créé par l’addiction participera aussi à l’éloignement des deux partenaires. 

Comment surmonter cette addiction sexuelle ? 

Evelyne Dillenseger alerte sur l’importance de consulter un professionnel. La masturbation compulsive est une réelle addiction, et nécessite l’aide d’un expert. La sexologue se fixe comme premier objectif de connaître la principale cause de cette dépendance. « Il faut travailler avec la personne sur ce qui est acceptable pour bien vivre et ce qui l’emprisonne dans cette dépendance », précise la sexologue.

La thérapie cognitivo-comportementale pour mieux comprendre le point de départ de l’addiction et la sophrologie pour calmer les angoisses sont recommandées par la spécialiste. 

Enfin, pour dépasser la masturbation compulsive, l’individu doit sortir de son isolement et détourner ses pulsions. « Plus il sera seul chez lui, plus il se masturbera », relie Evelyne Dillenseger. « Il faut donc sortir, faire des activités, avoir de nouveau une vie sociale, participer à une activité sportive, trouver tout simplement des occupations différentes de la masturbation », conclut la sexologue.