Affectée par la crise sanitaire liée à l'épidémie de Coronavirus, l'industrie de la mode s'adapte et repense son fonctionnement. Au coeur du débat, le calendrier de la Fashion Week et son rythme effréné, qui ne trouve plus écho au sein de la sphère mode, tant au niveau de la clientèle que des créateurs. 

De nombreux acteurs principaux de l'industrie se mobilisent pour ralentir la cadence et misent sur une alternative plus responsable, en phase avec le contexte actuel. La Fashion Week traditionnelle s'efface cette saison pour laisser place à un événement digital, qui pourrait bien s'imposer sur le long terme. 

À quoi ressemblera la Fashion Week de demain ?

Étendues sur les mois de juin et de juillet, la Fashion Week mixte de Londres -les collections homme et femme s'entrecroiseront- ainsi que les Fashion Weeks masculines de Milan et Paris seront présentées en ligne. La semaine de la haute couture, qui avait d'abord été annulée, occupera finalement elle aussi, un espace digital. Dans un communiqué publié le 28 mai 2020, la Fédération de la Haute Couture et de la Mode explique qu'elle sera "structurée autour d'une plateforme dédiée" sous la forme de films créatifs et de contenus éditoriaux. 

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Une alternative digitale qui pourrait s'installer sur le long terme et faire bouger les lignes d'une industrie tout entière. Caroline Rush, directrice du British Fashion Council, a déclaré dans un communiqué : "Il est impératif de regarder vers l'avenir et d'accueillir les nouvelles opportunités pour innover. Avec la mise en place de cette plateforme culturelle, nous adaptons l'innovation digitale à nos besoins actuels et définissons un nouveau modèle pour l'avenir". 

Tous les acteurs de la mode doivent contribuer à faire évoluer notre industrie

La Fashion Week de demain devra en priorité repenser son approche sur le plan environnemental, alors que la mode reste la deuxième industrie la plus polluante après celle du pétrole. En juillet 2019, le Conseil suédois de la mode annulait la Fashion Week de Stockholm, invoquant la nécessité de trouver un format plus respectueux de l'environnement pour présenter les nouvelles collections. 

La Fashion Week de Copenhague quant à elle, très engagée sur le terrain éco-responsable, présentait début 2020, un plan d'action étendu sur trois ans. Les objectifs principaux ? Orchestrer un événement zéro déchet d'ici 2022 et mettre en lumière davantage de marques de mode responsables. "Tous les acteurs de la mode sont responsables de leurs actions et doivent contribuer à faire évoluer notre industrie" a déclaré Cecilie Thorsmark, CEO de la Fashion Week de Copenhague

L'industrie de la mode ralentit le rythme

L'évolution de la Fashion Week passe aussi par un renouvellement de son organisation. Le rythme effréné imposé par le calendrier actuel, entre défilés croisière, pre-fall, automne-hiver et printemps-été, conduit à la surproduction et à la lassitude des acteurs principaux de la sphère mode.

La maison Saint Laurent prend la décision de repenser son approche au temps et d'instaurer son propre calendrier

Certains ont d'ailleurs préféré s'affranchir du calendrier officiel pour avancer à leur propre rythme. À commencer par la maison Saint Laurent, qui déclarait le 27 avril 2020 se retirer de la Fashion Week de Paris : "Conscient de la conjoncture actuelle et les changements qu'elle induit, Saint Laurent prend la décision de repenser son approche au temps et d'instaurer son propre calendrier". 

Plus récemment, la maison Gucci, menée par Alessandro Michele annonçait elle aussi, renoncer au calendrier officiel de la Fashion Week de Milan, pour ne présenter plus que deux collections par an. Le directeur artistique de la maison italienne, s'est exprimé sur son compte Instragram, mettant en cause le fonctionnement désuet et la cadence effrénée qui nuit à la créativité. 

Un ralentissement qui s'observe aussi chez le consommateur, avide d'une mode plus responsable. Des pièces de seconde main relayées sur des comptes Instagram dédiés au vintage aux collections produites en édition limitée, les alternatives à la fast fashion s'imposent comme une nouvelle norme face à l'urgence climatique. 

Une lettre ouverte à l'industrie de la mode 

Une volonté de ralentir le rythme que partagent des centaines d'acteurs principaux de la sphère mode. Le styliste belge Dries Van Noten, publiait le 12 mai 2020, une lettre ouverte à l'industrie de la mode signée par des créateurs de mode comme Isabel Marant, Mary Katrantzou, Jason Wu mais aussi par des géants du retail comme Selfridges.

"Le contexte actuel, bien que tendu, offre la possibilité d'un changement fondamental qui simplifierait l'industrie et la rendrait plus durable sur le plan environnemental et social" expliquent les signataires qui souhaitent aligner les présentations de collections avec les saisons en cours. En somme, les collections automne-hiver s'étendraient d'août à janvier et les collections printemps-été, de février à juillet. 

La lettre ouverte appelle aussi à repenser le format des défilés, restreindre les déplacements en misant sur des plateformes digitales et freiner les soldes. Une demande de renouveau qui avait déjà été évoquée par le passé mais que la crise sanitaire a accélérée.