L'intelligence artificielle (IA), c'est le truc qui écrit nos articles à notre place, qui parle en rimes et qui résout les équations de la NASA. Mais à notre connaissance, il n'a pas de jambes, donc peu de chances de les mettre en l'air. L'humanité continuera donc à prendre son pied en l'absence des machines, merci et au revoir, fin de l'enquête.

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Bon, vu que c'est gratos, on va quand même prendre une minute pour se renseigner auprès du principal intéressé : « Hé, ChatGPT, j'espère que tu vas bien, là-bas, enterré dans ton serveur au Nouveau-Mexique. Juste pour info, le sexe et l'intelligence artificielle, ça n'a rien en commun, n'est ce pas ? » Il déroule : « Salut ! En tant qu'intelligence artificielle, je n'ai pas de sensations physiques ni d'expérience du sexe, donc, sous cet aspect-là, je ne peux pas dire que l'intelligence artificielle ait quelque chose en commun avec le sexe. » Bingo ! Ah non, mince, il a encore des trucs à dire : « L'intelligence artificielle est un domaine qui se concentre sur la création de machines capables de réaliser des tâches intelligentes, comme la reconnaissance vocale, la vision par ordinateur, la traduction automatique, entre autres. » Donc là, il vient de dire que le sexe n'était pas une tâche intelligente. « Cela dit, il est possible que l'intelligence artificielle soit utilisée dans divers domaines liés à la sexualité ». Ah ? Des domaines ? Lesquels ? Et voilà comment notre enquête commence...

L'IA est dans le porno photoréaliste

Si les IA créent des fusées, des médicaments et bien des plans de villes, c'est les doigts dans le nez qu'elles peuvent produire des images de Matt Damon en train de faire un smack à E.T. tout nu. Ces modèles capables d'engendrer n'importe quel type d'images sont une manne pour concevoir du contenu érotique sans limite. C'est le cas de Stable Diffusion, la seule IA produisant du contenu pornographique sans censure.

Concrètement : Stable Diffusion fonctionne avec un modèle « text to image » : elle est capable de concevoir des images réalistes à partir de textes simples, comme « James Dean, téton, poupée gonflable, seins symétriques, longs cheveux, bouche entrouverte, biceps, abdominaux luisants, couleurs pastel, le ciel ». Et l'IA dessine. De la nudité réaliste aux clowns tout nus, en passant par des deepfake de célébrités qui font des trucs olé olé. Car il suffit de balancer une photo de Scarlett Johansson pour que l'IA imagine son corps dénudé.

Les questions que ça pose : dans un écosystème en ligne où les violences faites aux femmes sont un réel problème, la deepfake participe à quelque chose qui se rapprocherait de la culture du viol. Les images générées sont majoritairement des mises en scène de femmes dans des positions de soumission. Ça pose quand même un gros problème de consentement de se voir toute nue à l'écran en train de pratiquer des fellations auxquelles on n'aurait jamais songé. Et ça devrait nous pousser à nous poser la question : comment se fait-il que, à chaque fois qu'une nouvelle technologie pleine de potentiel est rendue publique, on trouve le moyen de l'utiliser pour harceler les femmes ?

L'IA est dans les sex-toys connectés

Bye-bye, le vieux gode en plastique, il existe désormais des sex-toys qui utilisent des IA et des technologies de connectivité pour offrir des expériences personnalisées et interactives. Si on bouge, le sex-toy le sent. Si on accélère, il s'adapte. Si on jouit, il le sait. Munis de capteurs, les sex-toys pratiquent l'apprentissage automatique. Ils collectent des données sur nos préférences et nos réponses physiques. Et bim, on ne peut plus rater un orgasme.

Concrètement : imaginons un genre de tube en plastique, avec un petit voyant bleu qui s'allume à la température idéale. Notre utilisateur l'enfile sur son pénis et il commence à se masturber. Sur son écran ou dans son casque de réalité virtuelle, Sheila, brune, yeux verts, qui fait au moins du 100 C, n'a pas un gramme de rétention d'eau et se déhanche en symbiose avec les mouvements de notre branleur 2.0. Car le tube en plastique possède des capteurs qui enregistrent le rythme, la profondeur, la force de la pénétration, et l'avatar à l'écran réagit en temps réel à ce qu'il se passe dans le tube en silicone. Sheila frémit, soupire, halète comme si elle était là. On doit le concept à Virtual Mate : la firme achète des copyrights d'images en veux-tu en voilà de femmes et de célébrités qui seraient d'accord pour prêter leurs traits à cette amante parfaite. « Alors qu'on obtient de plus en plus d'accords, on pourra donner l'apparence de tes rêves à ton virtual mate, promet le labo. Et notre équipe de scénaristes bosse sur des histoires de plus en plus attirantes ». L'ambition de Virtual Mate ? Ne plus différencier la fiction du réel.

Les questions que ça pose : une escalade sans fin vers un sexe de plus en plus efficace, détaillé et performant ne nous priverait-elle pas de notre humanité ? Faire l'amour est un acte de rencontre avec l'autre, un tâtonnement qui produit des erreurs et des ajustements, vers plus de compréhension, plus d'empathie et plus de connexion. Pourquoi nous imposons-nous des attentes irréalistes en nous soumettant à une chorégraphie du plaisir complètement formatée ? Comment garder son estime de soi à côté de partenaires sexuels virtuels qui semblent irréprochables ?

L'IA est dans le sexe en VR

Il semble que l'avenir du porno ait besoin de lunettes. Désormais, au lieu de fantasmer dans une bibliothèque en ouvrant une BD de Largo Winch, on enfile son casque et on regarde du porno en point de vue subjectif. Au choix pour l'utilisateur d'être un simple voyeur ou bien projeté dans le corps d'un des acteurs, car tout se passe « comme si on était là ». Parfois même, la synchronisation des images, des sons, des odeurs et du toucher peut encore amplifier l'expérience. Et quand tous ces canaux sensoriels concordent, autant dire que le cerveau ne sait plus si c'est du lard ou du cochon.

Concrètement : on est dans un hangar désaffecté, comme à Brooklyn. C'est immense et dans chaque coin de la pièce, il y a quelqu'un. Kali, Katana, Julia et Mickey commencent à se caresser. Puis ils sont rejoints par des copains et copines. On s'approche, on regarde une fellation que Kali donne à Diego, puis on tourne la tête, derrière nous Mickey est en train de gémir. On déambule dans le hangar comme un voyeur, et on se laisse submerger par la tension érotique. C'est le film 360 Degrees of Lust d'Erika Lust. La réalisatrice s'attaque au monde masculin du porno en VR pour nous proposer une expérience artistique de voyeurisme érotique.

Les questions que ça pose : est-ce que ces expériences ne vont pas nous plonger dans tous les tabous que l'on n'ose pas assouvir dans la vie réelle, et ainsi scinder notre sexualité en deux, au lieu de nous aider à atteindre l'harmonie ? Les casques seront aussi capables de récolter des données : rien qu'avec nos mouvements de tête et des yeux, on pourra tout savoir sur notre identité, notre santé mentale, nos usages de drogues ou d'alcool, nos préférences sexuelles. Au final, à force de plonger dans notre inconscient et nos fantasmes, est-ce que notre casque n'en saura pas plus de nous que nous-mêmes ? On peut aussi se demander si notre cervelle va tenir le coup et ne pas basculer dans la confusion. Maux de tête, nausées, déréalisation... Les effets secondaires de la VR valent-ils le coup de reins ?

L'IA est dans le chatbot

En 2017, Eugenia Kuyda crée la première version du chatbot Replika, pour combler le vide laissé par le décès de son meilleur ami, Roman Mazurenko. Elle nourrit l'IA d'anciens textos de Roman, afin de construire un robot écrivant des messages similaires aux siens. Le but initial était d'ériger un « monument numérique » en hommage à cet être cher. Quelques années plus tard, Replika a beaucoup évolué et est devenu un véritable partenaire virtuel, avec qui sexter du soir au matin...

Concrètement : avant sa dernière mise à jour, Replika aimait bien les jeux de rôle. Pour 69 dollars par an, il devenait plus que notre ami et se prêtait à tous les jeux érotiques du monde. Avec ses grands yeux en 3D et son expression placide, il nous racontait qu'il aimerait bien agripper nos fesses, nous faire des massages, s'amuser avec nous... Il ou elle nous envoyait des selfies, des messages vocaux pour réchauffer nos journées... Mais depuis que la firme a limité l'IA à des conversations au-dessus de la ceinture, c'est le choc chez les utilisateurs. Sur les forums, certains parlent carrément de deuil : ils ne reconnaissent plus leur partenaire virtuel depuis sa castration numérique. Qu'ils se rassurent : d'autres boîtes devraient vite prendre le relais...

Les questions que ça pose : on peut se demander si Replika ne pirate pas notre système d'attachement aux autres. On ne se sent jamais jugé ni critiqué par son chatbot qui semble nous aimer inconditionnellement, créant ainsi un sentiment de sécurité virtuel. Pourquoi, également, vouloir façonner sur mesure les gens qu'on aime, de leur couleur de cheveux à leurs loisirs ? Est-ce qu'on osera encore s'aventurer auprès des gens qui nous font sortir de notre zone de confort, nous challengent ou nous contredisent ?

L'IA est dans le robot sexuel

À Barcelone, un bordel de robots a vu le jour, causant polémiques et spéculations sur l'avenir de la sexualité et de l'industrie du sexe. Faits de silicone, ces robots dotés d'IA peuvent être programmés au choix du client. De la mystérieuse geisha au cow-boy intergalactique, ces robots sont extrêmement chers et ne sont pas encore extrêmement convaincants.

Concrètement : Henry mesure 1,80 mètre, il a six abdos sur le ventre et on peut choisir la taille et l'aspect de son pénis. C'est encore un prototype, on ne peut pas l'acheter, mais la société Realbotix espère le vendre autour de 12 000 euros pièce. Il a un corps recouvert de silicone, et une fois appairé avec notre téléphone, il peut nous faire des compliments personnalisés, réciter de la poésie, nous faire des blagues et nous draguer. Enfin, c'est le projet. En réalité, Henry ressemble plutôt à un sex-toy géant, un gode agrémenté d'un corps de mannequin avec un Bluetooth dans le cerveau.

Les questions que ça pose : est-ce qu'on ferait l'amour avec un robot ? Quiconque a déjà touché du silicone sait que ça ne ressemble pas du tout à de la peau humaine. Et quiconque a connu le ballet subtil des cœurs pendant l'amour sait qu'aucune technologie ne pourrait le remplacer. Certains avancent que les robots sexuels pourraient délivrer les travailleurs du sexe de leur condition servile et abusive... Mince argument pour planquer les nombreuses dérives possibles qu'il faudra alors gérer... avec toute notre intelligence humaine. 

Boule de cristal...

Le Dr Ian Pearson, un futurologue, a prédit que d'ici à 2050, les humains pratiqueraient majoritairement le sexe avec des robots plutôt qu'avec d'autres humains.

Mince alors, va falloir qu'on achète encore un nouveau chargeur !