Notre rapport à l’amour a sensiblement changé depuis deux ans. Le hardballing en est la preuve. L’incertitude et l’anxiété générale provoquées par la pandémie ont ouvert les yeux d'une partie des célibataires. Pour ces personnes, plus question de s’engager dans des relations chronophages avec des individus qu’elles jugent comme étant médiocres.

Qu'est-ce que le hardballing ? 

Bien loin des pratiques amoureuses toxiques, comme le cookie jarring, le hardballing consiste à savoir ce qu’on attend d’une relation amoureuse et d’un.e partenaire. "C’est l’idée de savoir précisément ce que l’on veut en matière amoureuse et d’avoir une idée précise du partenaire qu'il nous faut", analyse Cécile Guéret, thérapeute de couple. Cette tendance amoureuse consiste à arrêter de se contenter du minimum lorsqu’on estime valoir bien plus.

Au quotidien, elle s’illustre par un rapport beaucoup plus réfléchi aux relations amoureuses. Vous voyez cette petite voix qui a tendance à s’enflammer à la moindre rencontre en hurlant "cette personne, c’est la bonne" ? Les personnes qui pratiquent le hardballing l’ont chassée de leur tête. 

Ce néologisme pourrait être traduit par l’expression "droit au but". Il a été théorisé par l’application de rencontre Bumble qui a mené une étude post-confinements indiquant qu’environ 46 % des interrogé.e.s recherchent une relation sérieuse. Parmi eux, 38 % ont confié être plus à l’aise avec leurs critères amoureux. 

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Le hardballing : une pratique amoureuse basée sur l’authenticité 

La période de pandémie, dont nous commençons à peine à voir le bout, y est pour beaucoup. "Le contexte mondial inquiétant nous pousse à nous rassurer en créant des relations amoureuses de confiance", explique la spécialiste. Les célibataires ne sont plus autant dans la recherche effrénée d’un.e partenaire tout prix. Nombreux d’entre eux privilégient désormais les relations sincères, qui font du bien. Au risque, parfois, de rester célibataire longtemps avant de trouver l'amour.

L’angoisse générée par la pandémie a créé un besoin de "sécurité dans le lien aux autres", ajoute la thérapeute de couple. "Depuis la pandémie, pas mal de célibataires font preuve de plus de sollicitude, d’attention et d’humanité dans les échanges sur les applications et sites de rencontre", insiste-t-elle.

La conscience de finitude a aussi poussé les célibataires à arrêter de perdre leur temps dans des relations vouées à l’échec. "Nous avons pris conscience de la fragilité de la vie, de sa brièveté. On a envie d’en profiter au maximum", rapporte Cécile Guéret. Et pour en profiter dignement, il faut être entouré.e des bonnes personnes. On évite donc de se jeter sur le ou la première venue juste pour combler un manque affectif.

Créer des relations moins superficielles grâce au hardballing

On l’aura compris : la superficialité relationnelle a moyennement sa place dans cette pratique amoureuse positive. Cela s’explique, encore une fois, par les moments extrêmement fragilisants par lesquels nous sommes parfois passés durant ces derniers mois. "On a été nombreux à oser dire, parfois pour la première fois, que nous traversions des moments difficiles. À notre entourage, mais aussi souvent à des contacts moins intimes, voire aux nouvelles rencontres amoureuses", raconte-t-elle.

Le fait de montrer ses vulnérabilités et ses craintes permet parfois de créer des relations plus honnêtes, que ce soit en amour comme en amitié. "En amour, le fait d’avoir un peu fendu l’armure pendant la pandémie, et même après, nous a permis d’expérimenter des relations moins superficielles et plus authentiques", analyse l'experte. 

Créer des relations plus sincères avec les autres nécessite une bonne connaissance de sa propre personne. La pandémie et ses confinements ont poussé bon nombre d’entre nous à faire des introspections. "Ça nous a poussés à clarifier ce qui est essentiel et à nous demander ce qui est vraiment important pour nous", détaille la spécialiste. Grâce à ces interrogations, de nombreuses personnes ont une vision plus claire de leurs envies et de leurs besoins amoureux.

Le hardballing, cette tendance amoureuse qui prend son temps

La pandémie et les confinements ont mis la vie de tout le monde sur pause. Plus de restaurants, plus de verres. Bref, on a eu du temps de goûter au slow dating et à ses avantages. Cette période nous a fait envisager les rencontres amoureuses sur les applications sous un nouveau jour : on a cessé de cataloguer chaque match Tinder. "On a fait l’expérience des discussions plus prolongées pour partir à la découverte de l’autre sur le long terme", ajoute Cécile Guéret. Ne pas enfermer l’autre dans un rôle ou un cliché qu’on lui attribut a permis d'envisager la séduction dans un climat d’ouverture et d’intérêt authentique.

Cette période a aussi libéré une partie d’entre nous du joug de la rencontre amoureuse rapide. Parfois superficielle et éphémère. Elle nous a donné l’occasion de faire l’expérience d’un amour qui n'est pas une révélation, "mais une connaissance progressive et cumulative". Les individus qui ont apprécié cette version plus détendue de la séduction pratiquent désormais le hardballing. 

Pratiquer le hardballling peut-il être néfaste pour nos vies amoureuses ?

Comme toutes pratiques amoureuses toxiques ou positives, le hardballing a ses limites. Et si savoir ce qu’on veut, c’est bien, être trop précis.e dans ses critères peut être problématique. L’autre n’est pas une wishlist de Noël, mais bel et bien une personne. "On peut avoir une idée de ce qui est important pour nous dans la relation, mais ça ne se joue pas sur des caractéristiques précises, comme aimer les sushis ou la musique brésilienne", tient à nuancer la spécialiste. Pour trouver la bonne personne, il est préférable de partager les mêmes valeurs plutôt que les mêmes goûts culinaires. "L’autre est autre et il va forcément être différent de ce que j’attends, si mes critères sont trop précis", ajoute-t-elle. 

Avoir des demandes bien précises peut également vous faire tomber dans un risque d’hyper-rationalisation amoureuse : "On est de moins en moins aptes à sentir ce qui se passe en nous quand nous sommes en relation avec quelqu’un d’autre. "À force de scruter, mesurer, évaluer, comparer, on finit par nier l’individualité de l’autre et on se retrouve dans un face-à-face réfrigéré, le nez sur notre feuille d’évaluation, coupés de nous-mêmes", explique la spécialiste. 

Cette méthode amoureuse, en tant que telle, nous veut du bien. En revanche, si on en fait un usage abusif elle peut prendre le chemin inverse et devenir toxique.