A partir du moment où elle s’est masturbée à l’âge de 12 ans dans son bain et qu’elle s’est sentie honteuse, Erica Garza, 35 ans, a su que son rapport au sexe ne serait pas le même que la normale.

Elle savait aussi qu’elle ne pourrait pas en parler avec n’importe qui. Durant son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte, elle a dû vivre seule ce conflit intérieur. Elle n’a su que plus tard qu’elle était accro au sexe et au porno.

Son premier livre Getting Off est une plongée dans sa vie d'addic au sexe. Elle raconte son histoire pour aider ceux qui sont atteints de la même pathologie. En particulier les femmes qui sont très peu à oser aborder le sujet.

Mais le récit d’Erica Garza n’a pas de fin, puisqu’elle se bat encore contre sa dépendance.

On ne parlait jamais de sexe dans ma famille

J’ai commencé à écrire ce livre comme une sorte de thérapie pour comprendre mon addiction et mon rapport au sexe.

J’ai remonté le fil de mes souvenirs pour tenter de découvrir comment tout avait commencé. Souvent, les addicts au sexe ont vécu des traumatismes d’ordre sexuel dans leur enfance. Ce n’était pas mon cas.

Mais je me suis toujours sentie en marge des autres. Tout a commencé à la naissance de ma petite sœur.

J’ai eu l’impression d’être mise de côté et de ne plus être écoutée. Lorsque j’ai porté un corset pour ma scoliose au primaire, j’ai ensuite ressenti le rejet de la société.

Ces deux raisons expliquent en partie d’où vient mon addiction. Mais la plus grosse part vient sans doute de mon éducation.

J’ai grandi dans une famille catholique et latino où on ne parlait jamais de sexe, JAMAIS. Quand j’ai demandé à des gens latinos s'ils avaient déjà abordé le sujet avec leurs parents, tous m'ont répondu d’un air choqué « bien sûr que non ! ».

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De la maternelle au lycée, j’ai étudié dans des écoles catholiques. Pour aborder le thème de la procréation, les enseignants utilisaient des métaphores avec des abeilles et des oiseaux. Ils ne parlaient donc jamais vraiment de ce qu’était la sexualité.

Etre accro au porno et à la masturbation

  • J'ai commencé à me masturber à 12 ans

J’ai vraiment commencé à me sentir honteuse lors de mon premier orgasme à 12 ans. Tout a basculé quand j’ai ressenti cette vague m’envahir après m’être touchée.

Je ne savais pas ce que c’était et si j’avais le droit de le faire. Mais je savais que j’avais déjà ressenti une attirance sexuelle pour mes camarades dès l’âge de 10 ans.

J’étais excitée par le maître, fascinée par l’entrejambe des garçons et par la poitrine des filles. Je ne pense pas que la sexualité devrait se passer ainsi, avec toutes ces émotions qui arrivent en même temps.

Je me souviens d’une none à l’école qui avait écrit sur le tableau le mot masturbation. J’avais l’impression que tous les yeux étaient rivés sur moi. Que les gens allaient comprendre que je me masturbais. Mon cœur battait à 100 à l’heure.

Je me sentais honteuse et je n’avais qu’une envie, qu’elle arrête d’en parler. Je savais que je ne pouvais me confier à personne. J’avais peur qu’on pense que j’étais sale.

  • Je regardais du porno en cachette

Je regardais du porno à la télé çà et là, quand mes parents dormaient. En grandissant, plus j’avais accès au porno plus j’en regardais.

Puis, j’ai commencé à m’autodétruire. Je m’isolais, je ne regardais que du porno, je couchais sans me protéger avec des personnes que je ne connaissais pas et qui n’en avaient rien à faire de moi…

Je ne critique pas les coups d’un soir, je pense que ça peut être une chose très positive. Mais la manière dont je le faisais me détruisait.

J’essayais de m’occuper l’esprit pour ne plus penser à qui j’étais et aux émotions que je ressentais. Après une rupture, je me réfugiais dans le porno. C’était un quelque sorte un mécanisme de défense.

Physiquement ça me faisait du bien, mais en même temps je sentais que je n’avais pas le droit de ressentir du plaisir. Ce sentiment était toujours associé à la honte.

Guérir son addiction au sexe

  • Je ne voulais pas reconnaître mon addiction

Je savais que j’avais un problème avec le sexe, mais je ne voulais pas me retrouver avec l’étiquette d’une addict au sexe.

Je faisais ces tests en ligne pour savoir si je l’étais, avec la peur au ventre de découvrir un résultat positif.

J’ai alors pris rendez-vous avec une thérapeute qui m’a diagnostiqué des troubles obsessionnels compulsifs.

A l’époque, à la fin de la vingtaine, je vivais à New York et j’étais en couple. Il a été le premier à me dire que j’étais une addict au sexe.

Je refusais de chercher de l’aide et préférais prendre des antidépresseurs. Je me dissociais de plus en plus de moi-même et de mon copain. Deux mois plus tard, on a rompu.

A l’approche de mes 30 ans, j’ai compris que je devais changer. Je sortais avec quelqu’un à nouveau, l’une de mes relations les plus saines.

Mais je pensais toujours que je ne méritais pas une telle relation. J’en avais saboté tellement, car j’avais peur qu’on découvre qui j’étais vraiment.

Et ça n'a pas manqué,  je lui ai dit que je le quittais pour voyager. Je me disais que je ne pouvais pas continuer ainsi. J’avais envie de croire qu’on pouvait m’aimer. Mais je ne savais pas comment faire.

  • J'ai décidé de prendre soin de moi

Pour mes 30 ans, je suis partie à Bali (à moitié poussée par ma lecture de Mange, prie et aime). J’ai commencé à prendre soin de moi.

Je faisais beaucoup de yoga, ma consommation de porno réduisait nettement et je découvrais la méditation.

A ce moment-là, j’ai rencontré mon futur mari et j’ai été capable de lui dire la vérité à mon sujet. Ça représentait beaucoup pour moi d’être soutenu par quelqu’un.

Je me suis dit que j’étais capable de continuer et de dire la vérité aux gens autour de moi, qu’ils ne fuiraient pas.

On essaye toujours de paraître positif pour qu'on nous aime bien. Mais j’en avais marre de mentir et de me sentir tout le temps en marge des autres.

  • Je ne suis toujours pas guérie

J’ai mis du temps à finir le livre. Je ne vais pas vous mentir, je regarde toujours du porno de temps en temps et je partage l’image d’un mariage libre avec mon mari.

Mais je voulais que mon histoire soit prise au sérieux. J’ai réalisé que ça faisait partie de mon chemin vers la guérison. Je peux être moi-même, aimer le sexe et ne pas me sentir mal à cause de ça.

J’ai montré de l’intérieur la vie d’une addict au sexe, sans rien cacher, en montrant mes faiblesses.

Le plus dur ? S’en sortir. Contrairement à l’addiction à l’héroïne, il ne suffit pas d’arrêter de prendre de la drogue pour s’en sortir. Je ne vais pas arrêter de faire l’amour.

Le but n’est pas non plus de cesser de regarder du porno, ou de bannir les plans à trois. Car ça serait amputer une partie de ma sexualité.

Je souhaite juste trouver un équilibre et ce n’est pas une mince affaire.

Source : Cosmo US