Une grossesse et l'arrivée d'un enfant sont pour la plupart des familles une source de stress certes, mais surtout de joie et de bonheur. Mais pour certains futurs-parents, le destin en décide autrement. La grossesse se termine par un deuil, et une tristesse indicible. 

L'OMS estime qu'une femme sur 50 dans le monde connaîtra au cours de sa vie le deuil périnatal. Julie l'a traversé plusieurs fois. Elle a accepté de nous offrir son témoignage. 

Le choc du diagnostique périnatal

Peu de temps après leur mariage, Julie et son mari décident de se lancer dans l'aventure de la vie de famille. Elle tombe enceinte alors qu'elle a 27 ans, et tout se passe à merveille. C'est la grossesse idéale, aucune nausée, aucune douleur, une première échographie parfaite. Le jour de la 2e échographie, tout bascule.

"Le médecin me pose des questions étranges : est-ce que j'étais un petit bébé, est ce que je fume? Et brutalement, elle nous dit 'Rhabillez vous, il y a un problème au cerveau'. Et à partir de là, c'est la descente aux enfers."

Julie et son mari entament alors un parcours à la fois long et éprouvant. Ils rencontrent plusieurs médecins, refont des examens, découvrent les structures d'accueil du centre de diagnostique périnatal.

"Ce sont les semaines les plus longues de ma vie. Je pense que cette période est même pire que l'accouchement du bébé mort-né, ou le deuil qui suit. C'est cette incertitude."

Un médecin finit par leur donner le verdict : leur bébé souffre d'une malformation très grave et ne survivra pas même si la grossesse est menée à terme. On leur propose alors une interruption médicale de grossesse, ce qu'ils acceptent immédiatement.

Comment se passe l'accouchement dans le cadre d'une IMG ?

Julie prend cette décision sans hésiter, elle ne souhaite pas que ce bébé avec lequel elle se projetait depuis des mois, ne souffre.

"On avait préparé sa chambre, on lui avait choisi un prénom, elle allait s'appeler Maya. Je ne voulais pas faire souffrir Maya et l'envoyer en soins palliatifs."

Julie et son mari se préparent donc à cette intervention avec appréhension et inquiétude. Celle-ci se déroule à la maternité, aux côtés d'autres couples qui eux, repartiront avec leur nourrisson à la maison. C'est l'un des points que soulève Julie. Au cours de son parcours, rien n'a été fait pour la séparer des autres femmes enceintes, lui épargner de voir leurs joies, ni empêcher celles-ci de voir sa peine.

Un produit chimique est injecté afin de stopper le cœur du bébé. Puis, l'accouchement est déclenché. Ensuite, tout se déroule comme un accouchement "normal" et même plutôt rapide, "en quelques heures c'était fini, comme si mon corps avait compris." explique la jeune femme. Julie et son mari acceptent ensuite de voir Maya.

"Avant d'accoucher, je refusais en bloc. Puis, la psy de l'hôpital nous a parlé, nous a expliqué que c'était notre bébé et qu'il fallait lui dire au revoir. Ils nous l'ont apportée enveloppée dans un petit lange, avec un bonnet, elle était magnifique. Et à ce moment-là, on était comme tous les nouveaux parents du monde, on lui cherchait des ressemblances. Sauf que nous, on est rentrés chez nous sans bébé".

La solitude après le deuil périnatal

Les mois qui ont suivi cet épisode dramatique sont aujourd'hui encore gravés dans la mémoire de la jeune femme. Elle garde notamment en tête un sentiment de solitude profonde. Son entourage proche ne sait pas comme lui parler, l'approcher, et progressivement, les gens s'éloignent.

"Cela se fait en douceur, sans dispute, mais on se rend compte qu'on n'est plus invités aux anniversaires, qu'on ne nous appelle plus. Les gens se disent que c'est pour nous protéger, mais c'est faux. C'est simplement qu'ils ne savent pas quoi dire, et je les comprends, ce qu'on vit est affreux".  

Pour Julie, l'attitude à avoir face à un parent endeuillé est complexe à adopter mais essentielle. Il faut être présent, écouter, et éviter autant que faire se peut les phrases maladroites du type "vous en ferez d'autres, ce n'était pas un vrai bébé, il faut passer à autre chose". Il faut surtout savoir écouter les parents lorsqu'ils parlent du bébé qu'ils ont perdu. 

"Moi j'avais besoin de parler de Maya. Sinon, cela aurait été comme nier qu'elle a existé, comme si ma peine n'était pas réelle." 

Se pose aussi le problème du "retour à la vie normale" après la perte d'un enfant. Comment retourner au travail, reprendre une vie sociale, lorsque tout le monde vous a vue enceinte ? Un vrai défi pour les parents endeuillés qui doivent au quotidien parfois répondre à des questions ou remarques douloureuses. 

"Moi je mentais, se souvient Julie. Je contournais, je noyais le poisson, pour me protéger moi surtout. Alors que pourtant, ce n'est pas honteux, on n'est pas responsable lorsqu'on perd un bébé." 

Un 2e deuil périnatal 

Julie a aujourd'hui du recul sur le deuil périnatal. Elle l'a traversé deux fois.

Après Maya, elle est retombée enceinte rapidement, et a donné naissance à une petite Olivia, aujourd'hui âgée de 5 ans. Cette grossesse et les premiers mois ont été très compliqués. "Tout me ramenait à Maya. Quand j'étais enceinte d'Olivia, je pensais chaque jour qu'elle allait mourir. Quand elle est née, si elle dormait, je voyais sa soeur décédée." 

Mais le temps est parvenu à panser les blessures. Et deux ans après la naissance de leur fille, Julie et son mari ont décidé d'agrandir la famille. Ils avaient réalisé des tests génétiques après Maya, qui étaient tous revenus négatifs.

Lorsque Julie est tombée enceinte pour la 3e fois, elle était sereine. Mais malheureusement, elle a traversé la même épreuve qu'avec Maya. Les deux bébés souffraient des mêmes malformations liées à une maladie génétique très rare. Julie a donc donné naissance à une 2e petite fille décédée après une IMG : Alice. 

"Ce n'était pas plus facile la 2e fois que la 1ère. Sauf que cette fois-ci j'ai décidé de m'écouter moi et de vivre le deuil à ma façon, sans écouter les phrases du type 'il faut passer à autre chose' et j'ai pris mon temps pour remonter la pente". 

Il ne suffit pas d'un coup de baguette magique pour aller mieux, comme l'explique Julie. 

Pour aller mieux après la perte d'un enfant il faut du temps

"On n'oublie jamais. D'ailleurs on ne veut pas oublier. Ces bébés doivent faire partie de notre vie. Maya et Alice sont inscrites sur notre livret de famille, et quand Olivia sera en âge de comprendre, on lui expliquera." Pour aller mieux, avancer, il faut du temps donc, mais aussi du soutien.

Ce soutien que Julie n'a pas ou peu trouvé auprès de ses proches lors de ses deux deuils périnataux, elle l'a trouvé sur internet. 

"Je me suis rendue compte qu'on était des milliers à avoir vécu ça, c'était une communauté, alors que personne n'en parle dans la vie de tous les jours, parce que c'est tabou". 

Elle a lancé le compte Instagram @a_nos_etoiles en août 2019 dans ce but. Aider les femmes et les couples qui traversent, ou ont traversé l'épreuve du deuil périnatal. Sur ce compte, elle partage des mantras, des conseils, des témoignages, des remarques entendues trop souvent, mais aussi des phrases qui font du bien et sa propre histoire. 

Aujourd'hui, Julie n'a pas oublié et n'oubliera jamais Maya et Alice, ni ce 3e bébé qu'elle a perdu suite à une fausse-couche après quelques semaines de grossesse après sa 2e IMG.

Mais elle va mieux. Et elle veut continuer à partager son expérience pour que les familles qui vivent ce drame soient écoutées et entendues.

Pour aider à son échelle à lever ce tabou encore ancré dans notre société, Julie milite d'ailleurs pour qu'un nom soit enfin donné aux parents qui vivent la perte d'un enfant