« Je ne voulais plus qu’il me touche » : elles racontent la sexualité avec un cancer du sein

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Cancer du sein et sexualité : elles témoignent
Du cancer du sein, on entend souvent parler des conséquences médicales ou de la perte de cheveux engendrées par la chimio. Moins des bouleversements qui chamboulent la sexualité, le désir, la séduction. Pourtant, cette réalité affecte tout autant les premières concernées. Elles racontent. 

En France, chaque année, en moyenne 60 000 femmes apprennent qu’elles sont atteintes d’un cancer du sein. La maladie implique souvent une longue phase de traitement aux effets secondaires aussi multiples que perturbants. Si les conséquences physiques et psychiques sont abordées dans les cabinets médicaux, l’impact du cancer sur la sexualité est souvent ignoré et tu. Pourtant, nombre de femmes voient leur estime de soi affectée et leur sexualité bouleversée par les médicaments ou l’hormonthérapie qui influe sur la libido.

L’image de soi et de son corps, mise à mal par la maladie

Carine a 42 ans. En octobre 2022, elle a été diagnostiquée d’un cancer du temps, en même temps que d’une malformation de l’utérus. « J’ai découvert une grosseur dans mon sein gauche avec une rétractation du téton pendant l’été », nous raconte-t-elle. « J’ai consulté en rentrant de vacances. Le jour de l’annonce, mon monde s’est effondré ». 

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Les conséquences des traitements et de l’hormonothérapie ont mis à mal sa féminité et son intimité. Entre les bouffées de chaleur, la sécheresse vaginale et puis, à cause du médicament qui bloque les récepteurs d’hormones, la perte de libido, le cancer a « fait beaucoup de dégâts », précise-t-elle. « J’ai eu une tumorectomie, ce qui n’est rien comparé à d’autres. Mais ce sein déformé et avec une cicatrice me dérange. Je ne veux plus que mon conjoint me voit sans t-shirt, ni même qu’il me touche ce sein. Il me répète sans cesse que pour lui je suis toujours là même et qu’il m’aime ainsi mais pour moi c’est très compliqué à gérer », raconte-t-elle.  

« L’image du corps peut être altérée », commente Virginie Gasc, psychologue clinicienne et oncosexologue. « Cela peut être un trouble du désir, des difficultés à réinvestir certaines parties de son corps, notamment pour le cancer du sein. Pour beaucoup de femmes, cela touche à la féminité. Après une chirurgie, certaines femmes peuvent avoir des difficultés à montrer leur poitrine ou à se laisser toucher par le ou la partenaire ». 

Réinventer la sexualité pendant un cancer du sein 

« Si le sein était investi comme objet de séduction ou d’érotisme, la sexualité peut être atteinte de manière importante. Il faut du temps et de la douceur pour accepter ce corps avec ces nouvelles particularités. D’où l’importance d’être accompagnée par le ou la conjointe, mais aussi par des professionnels », observe Virginie Gasc. Cécilia, 53 ans, reconnaît avoir été terrifiée à l’idée de subir une tumeroctomie. « Je ne savais pas comment j’allais réagir face à cette mutilation. Est-ce que j’allais perdre la sensation du toucher ? Est-ce que le regard de mon époux allait changer ? », témoigne-t-elle. Diagnostiquée d’un cancer du sein lobulaire en janvier 2023, elle confie avoir « prié son chirurgien de préserver son sein le plus possible » .  

« C’est une zone très érogène pour moi, donc j’avais peur de ne pas retrouver une sexualité épanouie ». La quinquagénaire témoigne elle aussi des effets secondaires des traitements parmi lesquels des nausées, des maux de tête, une prise de poids, une sécheresse vaginale et une libido en berne. Alors, il a fallu repenser les rapports sexuels. « On a dû chercher d’autres façons de se donner du plaisir. Cela passait par davantage de caresses et de douceur », nous dit-elle. 

Pour l’oncosexologue Virginie Gasc, la sexualité est tout à fait possible pendant un cancer, en fonction du vécu et de l’envie de chacun. « La sexualité ne se résume pas à la pénétration. C’est toujours agréable de partager un échange, un moment intime, avec son ou sa partenaire », précise-t-elle. « A certains moments des traitements, il y a des choses que l’on ne pourra pas faire lors des rapports sexuels tels qu’on les vivait auparavant avec son/sa partenaire, donc il va falloir adapter la sexualité et faire preuve de créativité ». Christelle, 36 ans, diagnostiquée d’un cancer du sein hormonodépendant, a subi une ablation en avril 2023. Elle affirme :  « La sexualité m’a "réconforté" durant mes chimios et depuis ma mastectomie, je me sens décomplexée, avec une folle envie de donner et prendre du plaisir sexuellement. J’ose davantage, peut-être parce que je ressens mieux mon corps après ce qu’il a traversé, je suis plus proche de mes émotions, et mon couple est plus soudé que jamais ». 

Communiquer et informer

Pour Christelle, la communication est essentielle dans le couple pour traverser cette épreuve. « Je parle beaucoup avec mon mari. Nous n'avons pas la même sexualité qu’avant, mais nous prenons beaucoup de plaisir ». Cécilia abonde :  « C’est important de se dire les choses, ça permet d’avancer ensemble, en accord avec l’autre. C’est un des moments où il faut plus que jamais prendre soin de son couple, par de petite attention, par des marques de tendresse, et profiter des moments où les traitements nous laissent du répit pour passer de bons moments. La sexualité peut en faire partie ». 

Virginie Gasc confirme : « Quand il y a le cancer, la communication débute par le ressenti de chacun par rapport à cette maladie et pas uniquement le vécu de la personne qui est atteinte, mais aussi l’impact que ce cancer peut avoir sur le/la partenaire. Il faut que cela puisse être exprimé dans le couple. Et il faut réinjecter plus d’intimité dans le couple. »

Mettre des mots dans le couple, mais aussi au sein des conversations tenues dans les cabinets de spécialistes. Car si les récits de femmes concernées se ressemblent, l’impact du cancer sur la sexualité des patientes reste peu abordé. « L’oncosexologie est une discipline très récente et peu répandue en France », regrette Virginie Gasc. D’ailleurs, elle n’y voit pas tant un tabou qu’un manque formation de la part du personnel soignant. « L’absence d’information ajoute à l’angoisse des patientes. Les femmes attendent que le praticien pose des questions sur la sexualité, et le praticien aussi et personne n’ose l’aborder ». Expliquer ce qui se passe ou peut potentiellement se produire au cours des traitements serait une première piste pour ne pas les laisser dans le vide. Et les orienter vers un sexologue pour leur apporter un accompagnement sur comment vivre ou se réapproprier sa sexualité, pendant et après un cancer.

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