«On confond souvent recyclage et upcycling, nous précise Thomas Zylberman, styliste au sein du bureau de tendances Carlin. Recycler, c’est par exemple réutiliser des bouteilles en plastique pour fabriquer une nouvelle matière. Upcycler, c’est redonner de la valeur à des produits en fin de vie. Il y a une dimension créative, puisqu’on transforme un produit déjà existant en pièce unique. Ça relève presque de l’artisanat.»

L’upcycling serait-il la version mode et marketée du do it yourself? «Absolument. C’est intéressant, car c’est à la portée de tout le monde. Même sans formation couture ou modéliste, n’importe qui peut lancer sa marque.» La démarche est écolo – les produits utilisés ont déjà amorti leur empreinte carbone –, mais aussi humaniste. «Il y a souvent des histoires touchantes derrière l’upcycling, explique Thomas.

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Ce sont des marques qui envisagent la mode avec douceur, ingéniosité, partage et réflexion. On n’est jamais sur des démarches brutales avec des gros process de production et c’est ce qui en fait sa particularité.» D’ici 2030, certaines analyses prédisent que le marché de la seconde main dépasserait celui du neuf. Alors l’upcycling est-il l’avenir de la mode? Demain, est-ce qu’on sera toutes habillées avec de la récup? «Je n’y crois pas trop car l’upcycling ne peut pas fabriquer en masse, répond l’expert. Mais on peut penser que cela constituera une partie de l’avenir de la mode.» En attendant, voici plusieurs créateurs qui ont lancé leur ligne de vêtements, bijoux, sacs ou lingerie upcyclés. De quoi s’habiller… ou s’inspirer!

Les polaires nineties de Polère

Jenny et William ont créé leur marque il y a deux ans et demi en revenant d’une année au Canada. À Montréal, les températures frôlent les -20 °C et ils ont l’idée d’upcycler des polaires. «Là-bas, le marché de la fripe est beaucoup plus étendu et fait partie des mœurs. Comme on est végétariens et plutôt engagés, on ne voulait pas fabriquer de nouvelles matières alors on a eu l’idée de récupérer des polaires», nous raconte Jenny.

Il faut dire que ce duo a bossé pendant dix ans dans la mode, une expérience qui les a définitivement convaincus de tourner le dos à la la surproduction. C’est ainsi que naît Polère, avec Jenny à la confection et William à la communication. Ils chinent les matières en fripes ou chez Emmaüs, customisent les vêtements ou les créent de A à Z, avec des plaids par exemple. Le tout en s’efforçant d’être genderless, streetwear et ludique. Chez eux, une devise: moins de déchets mais toujours plus de fun pour s’habiller.

  • On flashe sur… Leurs vestes oversize et bandanas pour toutous frileux.
  • Leurs adresses fétiches ? Vinted et la friperie Heritage 1916, 3, rue Albert-1er, 17000 La Rochelle.
  • La gamme de prix : De 19 € à 165 €. polerebrand.com

Les colliers de chaîne épurés de Kitesy Martin

«Avant de lancer ma marque, je consommais beaucoup de fast fashion», nous confie Kitesy Martin, créatrice de la marque qui porte son nom. Après plusieurs années en tant que designeuse dans le luxe, elle se lance dans le yoga et devient prof. «Cette nouvelle direction m’a appris à vivre et consommer en conscience. J’ai donc imaginé ma marque de bijoux avec l’envie de donner du sens, de ne pas “fabriquer pour fabriquer” et de limiter autant que possible les intermédiaires entre la cliente et moi.»

Kitesy chine aux Puces, se rend sur les ventes aux enchères ou achète des stocks dormants de professionnels et de particuliers. Le temps de recherche et de développement est plus long que pour une marque classique et la production se fait à la main à Paris par ses soins. Sur son site, elle vend également des «kits upcycling » avec une masterclass en ligne pour apprendre à créer de nouvelles pièces à partir de bijoux inutilisés. Une démarche 100% engagée.

  • On flashe sur… Ses colliers en mix de chaînes ornés de médailles vintage.
  • Ses adresses fétiches ? Vinted et la friperie Nuovo, 58, rue Volta, Paris 3e .
  • La gamme de prix : Entre 110 € et 180 €. kitesymartin.com

Les costumes chics et décalés de Salut Beauté

«Faire de l’écoresponsable, il nous semble que cela va de soi à notre époque, non?», déclarent Mathilde et Sarah, les deux créatrices de la marque. D’ailleurs, elles ne revendiquent pas cet aspect éthique. «Avant tout, il y a notre style décalé et notre savoir-faire: le costume. Et si nos clientes viennent chez nous, c’est d’abord pour ça. Quand elles apprennent que nos vêtements sont fabriqués avec des récups de tissus, c’est la cerise sur le gâteau.»

Lorsque le duo lance Salut Beauté, il rencontre des difficultés pour trouver de la matière: «Il fallait commander 1000mètres minimum de tissu alors que nous n’en voulions que 200mètres. C’est un fournisseur qui nous a mis sur le plan des fins de stock. Ça a été une révélation!» Depuis, elles récupèrent des chutes de tissus de maisons de couture pour fabriquer leurs costumes. Mais c’est à double tranchant: «D’un côté, on n’a pas de limite de commande et on ne produit pas de matière, donc on est écolo. Mais d’un autre côté, on ne peut pas fabriquer en grande quantité ou réassortir les modèles.» Cela dit, l’unicité de leurs produits est aussi ce qui les rend si désirables. Du win-win!

  • On flashe sur… Leurs costumes oversize impeccablement coupés.
  • Leurs adresses fétiches ? Le collectif de marques vintage systeme-solere.com et les pros de la seconde main, entremains.com.
  • La gamme de prix : À partir de 49€. salut-beaute.com

Les patchworks de Alter Vetements

Antoine lance Alter Vêtements en 2017 avec l’envie de revaloriser les textiles de seconde main. «Quand j’ai commencé, je n’avais pas d’argent à investir et la récup s’est naturellement imposée à moi. J’ai donc commencé à collecter des vêtements en fin de vie et des tissus auprès d’amis et dans la rue. Ensuite je suis allé voir des assos et j’ai fini par avoir des fournisseurs comme Decathlon ou Isabel Marant

Antoine développe une technique de patchwork qui lui est propre et qui est devenue sa matière première pour ses créations. «Comme j’étais limité en termes de matière, j’ai eu l’idée d’assembler des morceaux de tissus pour élaborer un patchwork à partir duquel je confectionne mes vêtements.» Le concept Alter Vêtements est né: Antoine fabrique des pièces uniques et unisexes que les clients lui commandent sur Instagram. Il réalise aussi des collabs et fait de la customisation de vêtements. Mais au-delà de sa démarche créative, il souhaite donner une dimension humaniste à sa marque: «Le jour où Alter prendra de l’ampleur, je m’engage à ce que tous les salariés soient sur un pied d’égalité en termes de salaire et de valorisation sociale.»

  • On flashe sur… Les vestes en patchworks de denim.
  • Son adresse fétiche ? La Mercerie, une friperie tendance et accessible, 34, rue d’Amiens, 59800 Lille.
  • La gamme de prix : De 15 € pour un polo customisé à 150 € pour un bomber en patchwork. @alter_vetements

La lingerie colorée de Minou Bonjour

Justine a une formation de couturière mais c’est à force de travailler dans des ateliers, et aussi comme vendeuse dans un magasin de sport, qu’elle a le déclic: «J’ai vu tellement de marchandises jetées et de chutes de textile partir à la benne que ça a fait tilt! J’ai réfléchi aux différentes possibilités pour leur donner une seconde vie et j’ai eu l’idée de créer ma marque. La petite culotte s’est naturellement imposée à moi car c’est un produit que j’adore.» Le concept est né: Justine lance Minou Bonjour, une marque de culottes upcyclées.

«Les fins de stocks viennent de maisons de couture mais aussi d’un partenariat avec le relais Gironde. Il y a quelque temps, j’ai récupéré un lot de robes de mariée et j’ai imaginé une ligne de culottes avec. J’étais contente, car on met des mois à fabriquer une robe de mariée que l’on porte vingt-quatre heures avant de la ranger au placard. C’était plaisant de leur donner une seconde vie.» De la fabrication à la communication, Justine fait tout. Elle cherche la matière, dessine les culottes, les coud elle-même à la main à Bordeaux, et fait la promotion sur son site internet. «Un travail colossal, mais qui me passionne», confie-t-elle. D’autant qu’elle récupère de plus en plus de matières nobles comme la soie, pour créer des dessous aussi éthiques que chics.

  • On flashe sur… Ses culottes à imprimés funs et aux couleurs vitaminées.
  • Son adresse fétiche ? La Petite Canaille vintage, une friperie très rock et années 1980, 39, rue des Bahutiers, 33000 Bordeaux.
  • La gamme de prix : 30 € la culotte. minoubonjour.com

Les sacs street de BabyRework Paris

Anna a l’idée de sa marque durant le premier confinement: «Je suis partie me confiner avec mon copain en Bretagne et j’avais embarqué ma machine à coudre. À cette époque, j’avais des soucis de santé avec des traitements costauds. Je me souviens d’un sentiment d’étrangeté… D’un côté, j’avais cette sensation de fin du monde, et de l’autre, je voyais la nature reprendre ses droits. C’est là que j’ai eu l’envie de lancer une marque responsable

Anna fonde BabyRework Paris, une griffe de sacs streetwear et upcyclés avec une spécificité: utiliser parfois des vêtements pour enfants. «Pour moi, c’est la fast fashion par excellence. Les parents achètent des produits de marque à leurs enfants qui les portent trois ou quatre fois pour finir sur Vinted ou au recyclage. M’emparer de ces pièces, c’est une façon de faire un pied de nez à ce marché qui fabrique en masse et dans des conditions souvent déplorables.»

Anna chine ses pièces Lacoste, Nike ou Adidas avec méticulosité. Ensuite vient la phase de sublimation du produit avec nettoyage et teinture. Puis la confection: rien n’est mis de côté, Anna conçoit et rembourre le sac de façon à avoir une tenue impeccable, comme neuf. «Je veux mettre en avant la fabrication à la française mais aussi déconstruire les idées reçues sur la seconde main.» Anna va même jusqu’à parfumer ses sacs pour leur donner un ADN particulier. Et le résultat est là: les sacs sont incroyablement stylés et tendance.

  • On flashe sur… La coupe très graphique et les finitions parfaites de ses sacs.
  • Son adresse fétiche ? Les fripes hyper quali et pas chères de Frusques Vintage sur @_frusques.
  • La gamme de prix : De 150 € à 250 €. @babyreworkparis