Et si le perfectionnisme était un vilain défaut ? Ses incidences sur la santé mentale

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Les conséquences du perfectionnisme sur la santé mentale
Être perfectionniste n’est pas toujours une qualité. Certaines personnes cherchent constamment l’excellence, sans jamais avoir le sentiment d’être à la hauteur. Un perfectionnisme négatif et toxique qui a des incidences réelles sur la santé mentale.

À une époque où la pression à la productivité et la performance est croissante et omniprésente, il ne fait pas toujours bon être perfectionniste. Si avoir des objectifs élevés permet de se challenger, de relever des défis et de se réjouir de ces accomplissements, pour certains, être perfectionniste à des effets négatifs sur leur vie, et notamment leur santé mentale. Ainsi, si le perfectionnisme peut être associé à une série de bénéfices en matière de réussite, il peut aussi s’accompagner de conséquences psychologiques importantes : troubles dépressifs, troubles anxieux, troubles alimentaires et insatisfaction corporelle, burn-out, épuisement… Ce sont les conclusions d'une étude menée par l’Université catholique de Louvain-la-Neuve (UCLouvain), près de Bruxelles. Dans sa forme pathologique et négative, « le perfectionnisme peut conduire à une quête compulsive et ininterrompue de buts irréalistes, altérant productivité, estime de soi, relations sociales et menant à l’insatisfaction permanente et souvent au burn-out », rappelle la psychologue Delphine Py, autrice de Le guide de ta santé mentale (éd. Marabout).

Une insatisfaction chronique

La tendance excessive à rechercher la perfection pourrait prédisposer au burn-out. « L’une des plus fortes conséquences du perfectionnisme est l’insatisfaction chronique », déclare Delphine Py. Les perfectionnistes se fixent « des attentes et des objectifs inappropriés et non tangibles » et font face à une insatisfaction constante, peu importe le résultat.

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Cette recherche perpétuelle du mieux est évidemment porteuse d’une pression éreintante. Une injonction à l’excellence qui fait naître des malaises allant du syndrome de l’imposteur à l’épuisement psychologique généralisé. « Les individus perfectionnistes sont également sujets au burn-out tant ils fixent des normes irréalistes et inflexibles à leur propre performance, rendant impossible pour eux-mêmes le fait d’être à la hauteur », développe la psychologue. Le degré d’exigence est tel qu’un grand nombre de difficultés sur le plan psychologique, interpersonnel et sur le plan de la réussite scolaire ou professionnelle surviennent. Le perfectionnisme est en effet « une source de stress et de pression face à laquelle la personne va développer des mécanismes d’adaptation inappropriés ». Ainsi, Delphine Py souligne que des comportements d’évitement ou de procrastination sont ainsi possibles. « Par crainte de ne pas être à la hauteur de l’enjeu, certains en viennent à considérer qu’il vaut mieux ne pas faire une tâche plutôt que de ne pas la réaliser parfaitement », observe-t-elle.

Une auto-critique sévère qui abîme l’estime de soi

Puisque les objectifs fixés sont rarement atteints, que la satisfaction est difficilement atteignable et que le plaisir est rarement vécu dans l’élaboration d’un projet, l’individu éprouve de la difficulté à développer une estime de soi et une confiance en soi. « Les perfectionnistes sont très durs avec eux-mêmes », précise Delphine Py. Ils sont en proie à des ruminations ancrées dans l’autocritique, à des émotions négatives, telles que la tristesse, la colère, la honte ou encore une anxiété liée à la peur d’être confrontés à un nouvel échec. « Toutes ces pensées négatives ont un impact sur leur estime de soi et leur bienveillance envers eux-mêmes », poursuit-elle.

Ils ont aussi tendance à considérer que leur valeur personnelle dépend de leur capacité à atteindre les exigences qu’ils se sont fixées ou qu’ils pensent que les autres attendent d’eux. « Quand on est toujours déçu et en train de se dévaloriser, il est difficile d’apprécier les petites choses de la vie. Ce sont donc des personnes qui ont du mal à éprouver de la gratitude, à voir le positif, ce qui a un impact sur la santé mentale », note la spécialiste. Enfin, le perfectionniste souffre d’un biais cognitif le poussant de façon systématique à faire de mauvaise attribution lorsqu’il réussit, mais aussi lorsqu’il échoue. Ainsi, « il considère que des causes externes sont responsables de ses succès (la chance, la sympathie que portent les autres à son égard, etc), et que les échecs lui incombent constamment », souligne la psychologue.

Le perfectionnisme tourné vers les autres

Si le perfectionnisme se fait le plus souvent sentir dans le milieu professionnel, il peut aussi affecter les relations amicales et familiales. Les personnes perfectionnistes se mettent souvent en tête d’être le ou la meilleur·e conjoint·e ou le ou la meilleur·e ami·e possible, avec en tête une image dévoyée de ce que cela veut dire. Dans certains cas, le perfectionniste va aussi tourner ses exigences vers les autres en exigeant de ses proches qu’ils soient aussi parfaits. « Cela peut créer des problèmes relationnels, car les perfectionnistes projettent leurs attentes vis-à-vis des autres », complète Delphine Py.

Chez certaines personnes, le perfectionnisme s’exprime dans tous les domaines de vie. Sur le plan physique par exemple, il va affaiblir l’estime de soi et provoquer un sentiment d’échec si les standards de beauté ne sont pas atteints. Selon l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), un grand nombre d’études suggère que le perfectionnisme pourrait être un facteur causal dans le développement des troubles du comportement alimentaire. « Les troubles de l’alimentation sont liés à l’hypercontrôle. Le simple fait d’avoir des exigences de poids excessives est nuisible pour la santé », indique la psychologue.

Comment sortir du perfectionnisme pathologique et toxique ?

Alors, comment éviter que sa quête de perfection puisse avoir des retombées sur sa santé mentale ? La priorité est de prendre conscience de la situation. « Certains symptômes peuvent alerter tels que l’épuisement, l’anxiété chronique, et le sentiment de dépassement », prévient Delphine Py. Ensuite, vient le travail de fond : apprendre à gérer ses émotions. Il peut être utile de consulter un·e psychologue pour évaluer l’intensité de ce caractère excessif et vous aider à entretenir une relation plus positive avec vous-même. La psychologue Delphine Py propose à ses patients des « défis d’imperfection » pour les aider à accepter l’échec. « Mieux vaut commencer par un domaine d’activité qui n’est pas trop anxiogène, par exemple la cuisine. Et je demande à mon ou ma patient·e de trop faire cuire ses pâtes ou de ne pas les saler, donc de faire un plat qui n’est pas parfait et de noter les conséquences », détaille-t-elle.

« Les pensées automatiques des perfectionnistes peuvent être très violentes et dures ». Pour sortir des croyances limitantes, l’experte recommande de se parler à soi-même comme on parlerait à quelqu’un qu’on aime, mais aussi d’essayer d’assouplir ses pensées. « Quand on écoute un perfectionniste, on entend souvent “Il faut”, “je dois”, “toujours”, “jamais”. Apprendre à repérer ces petits mots comme des signaux d’alerte et essayer de les remplacer par “Je m’engage”, “je décide”, “je choisis” permet d’aborder les choses sous un autre angle et d’être plus doux dans sa façon de se parler », appuie-t-elle.

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