C’est une peur plus tabou que les autres, tant l’injonction à jouir est devenue obsessionnelle. Pour certaines personnes, l’orgasme est associé à la peur de l’inconnu et du lâcher-prise. 

Qu’est-ce que la peur de l’orgasme ?

"Plus l’orgasme approche, plus j’ai peur. Je le désire mais je le crains, car j’ai peur de voir jusqu’où ça peut aller", confie Laura, 26 ans. Comme elle, de nombreuses personnes ne parviennent pas à avoir d’orgasmes et craignent ces sensations d’une intensité extrême et inconnue. "C’est une peur que l’on observe plutôt chez les femmes", constate Camille Bataillon, sexologue clinicienne.
L’orgasme est la réponse physiologique qui a lieu au maximum de la phase d’excitation sexuelle. "Qui dit être à l’écoute de son corps, dit ne pas contrôler le mental. Et ça, chez les personnes qui ont peur de perdre le contrôle, c’est impensable", explique la spécialiste. "Elles appréhendent de sauter dans l’inconnu, de ne pas savoir ce qui se cache derrière, d’ouvrir une porte à quelque chose qu’elles ne connaissent pas", ajoute-t-elle.
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Ce phénomène d’angoisse orgasmique est décrit par Alain Héril, psychanalyste et sexothérapeute, dans son ouvrage L’orgasme thérapeutique : "Ce dont il est question, c’est d’un ressenti d’angoisse très particulier qui intervient juste au moment de la bascule orgasmique." Dans une société où il faut jouir de tout et partout, cette peur singulière est souvent tue. "Je n’en parle jamais autour de moi, je me sens déjà honteuse de ne jamais avoir eu d’orgasme, je n’imagine pas dire que j’ai peur d’en avoir un", déplore Laura.

La peur du lâcher-prise lié à l’orgasme

Le lâcher-prise peut faire peur. Certaines appréhendent ce moment où elles ne contrôlent plus grand chose et cessent immédiatement l’acte dès qu’elles sentent le climax approcher. C’est le cas de Margaux, 32 ans, qui a longtemps redouté ce moment. "J’avais les jambes qui tremblaient, des sortes de spasmes et ce que je ressentais me faisait peur. Lorsque mon copain me faisait un cunnilingus ou stimulait mon clitoris, je stoppais net et lui demandais d’arrêter dès que j’approchais de la jouissance", raconte la jeune femme. 
"Longtemps, je me suis contentée des sensations annonciatrices de la jouissance, sans jamais basculer", regrette-t-elle. La phase de plateau, qui est celle juste avant l’orgasme, peut être perturbée si des pensées parasites nous envahissent et si nous ne parvenons pas à lâcher prise. Laura, quant à elle, décrit une peur de s’évanouir. Pour Camille Bataillon, l’angoisse met les personnes qui la ressentent dans une difficulté à identifier leurs sensations : "Ce sont des sensations tellement intenses, qu’elles l’associent à quelque chose de douloureux."
Le lâcher-prise peut aussi être compliqué par l’image que les femmes ont d’elles-mêmes et celle qu’elles ont peur de donner. Lors de l’orgasme, on s’élève, on flotte, on est vulnérable. Ça nous fait rire, crier, pleurer, suer. S’abandonner à ses émotions est une épreuve pour beaucoup. 

Apprendre à être dans le moment présent pour combattre la peur de jouir

Pour parvenir à l’orgasme, il est donc essentiel de se libérer l'esprit. Pour certain.es, cela implique une relation d’une certaine durée, de bien connaître son ou sa partenaire, et de communiquer avec. Il peut être pertinent de parler de cette angoisse de l’orgasme à un professionnel. "Il faut venir travailler sur le terrain émotionnel et des exercices de pleine conscience pour être un peu plus dans le corps et moins dans le mental", conseille Camille Bataillon. "Cela demande du temps", précise la sexologue. Certaines pratiques sexuelles comme le slow sex ou le sexe tantrique peuvent être intéressants puisqu’elles reposent sur l’idée de pleine conscience. 
La masturbation est parfois d’une précieuse aide pour parvenir au sommet du plaisir. Ça a été le cas pour Margaux : "La première fois que j’ai réussi à avoir un orgasme et dépasser ma peur, c’était toute seule. J’ai ensuite pu guider mon partenaire, petit à petit, pour jouir lors de nos rapports sexuels. Je n’avais plus peur puisque je savais ce qu’il y avait après, et je savais que ça n’était que du positif !" 

Peur de jouir : désacraliser l’orgasme

"La petite mort", "le 7e ciel" : c’est comme ça qu’on appelle l’orgasme, parfois. De quoi mettre la pression, non ? Camille Bataillon confirme : il est préférable de ne pas sacraliser l’orgasme et de profiter du plaisir en chemin pour jouir. "Il faut apprendre à mettre son attention sur autre chose que sur l’orgasme parce que souvent on s’en fait toute une montagne, toute une définition, qui met une pression folle sur beaucoup", estime la sexologue.
Se libérer des normes passe par une remise en question de l’orgasme. "Pour jouir, il a aussi fallu que j’imagine les choses autrement. Je m’attendais à quelque chose de trop haut, à cause de tout ce mythe d’expérience extraordinaire et d’explosion. Finalement, il peut y en avoir des petits et des gros, parfois des peu perceptibles", témoigne Margaux. Finalement, l’important reste de prendre du plaisir.