Manger ce qu'on veut, quand on veut. Ou presque. Tel est le principe développé par Evelyn Trible et Elyse Resch, deux nutritionnistes américaines qui proposent un programme nutritif complet visant non pas à maigrir mais à retrouver un rapport sain avec son corps et la nourriture. Appuyée par des recherches scientifiques, l'alimentation intuitive a tout pour séduire. Mode d'emploi, avec les conseils d'Alexandra Murcier, diététicienne-nutritionniste et Laurence Haurat, psychologue-nutritionniste.

Qu'est-ce que l'alimentation intuitive ?

Vous avez tout essayé. Le régime Dukan, le régime citron, le régime ceci et le régime cela ; vous vous êtes imposé d'innombrables cures de detox... Mais rien n'a jamais fonctionné. Pas un kilogramme perdu sur le long terme. Pire, vous avez parfois même pris du poids. Peut-être êtes-vous passée à côté de quelque chose, une chose si simple, pourtant. Écouter votre corps. Paroles, encore des paroles ? Non, un programme scientifique théorisé par les nutritionnistes américaines Evelyn Tribole et Elyse Resch. On vous explique.

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Les deux femmes ont publié leur premier livre sur l'alimentation intuitive en 1995 : Intuitive Eating : A Revolutionary Program That Works. Trois éditions plus tard, l'alimentation intuitive continue de faire des adeptes. Leur premier constat a été celui de l'échec des régimes, qui mènent trop souvent à la reprise du poids perdu et qui peuvent aussi causer des troubles du comportement alimentaire. En cause ? La restriction, source de frustration et donc de perte de contrôle et de fringales irrépressibles. Pour sortir une bonne fois pour toutes de ce cercle vicieux, elles préconisent de mettre fin au comptage frénétique des calories pour retrouver son "âme de bébé", l'époque où l'on mangeait quand on avait faim, par instinct et par intuition.

Exit la dichotomie entre bons et mauvais aliments, bonjour au plaisir de manger. "On se coupe de l'idée qu'il faut avoir tel ou tel aliment dans l'assiette, pour au final manger en fonction de ce que l'on ressent, de ce dont on a envie et de ce dont on a l'impression d'avoir besoin. On se reconnecte à ses sensations et on fait davantage attention à la notion de faim ou de non faim. On apprend au fur et à mesure à faire la différence entre la sensation d'avoir faim et celle d'avoir envie de manger, ainsi que de savoir s'arrêter de manger lorsque l'on a plus faim", explique Alexandra Murcier. 

Attention, cela ne signifie pas manger n'importe quoi dans des quantités illimitées. "Ce n'est pas une raison pour céder aux pulsions alimentaires telles que j'ai envie de manger du chocolat donc je ne mange que ça. C'est un équilibre à trouver, entre ce dont on a envie, ce dont on a besoin et les injonctions de la société du type il ne faut pas manger des féculents le soir", ajoute-t-elle. L'idée, c'est plutôt que si on écoute son corps, on mange forcément de manière raisonnable, en qualité et en quantité. Depuis, toute une floppée d'études, principalement américaines et canadiennes, appuient par des données scientifiques les 10 principes de l'alimentation intuitive. 

Les 10 principes de l’alimentation intuitive 

Sur leur site internet, Evelyn Tribole et Elyde Resch énoncent les 10 principes fondateurs de l'alimentation intuitive. Au menu, pas d'obligation ni d'interdiction alimentaire, mais plutôt un état d'esprit à adopter sur la durée. 

  • Rejeter la mentalité des régimes

Les régimes donnent de faux espoirs et provoquent un sentiment d'échec. Un seul ordre : arrêter de croire en un régime et faire confiance à sa propre intuition.  

  • Faire honneur à sa faim 

Votre corps doit être constamment nourri en énergie et en glucides. Sans cela, vous courez vers la fringale. 

Et quand on atteint cet état de faim excessive, inutile d'essayer de modérer sa faim. Mieux vaut être sensible aux signaux de l'organisme dès qu'ils se présentent.

Astuce : toujours avoir des amandes sur soi, par exemple. Et si les amandes vous ont coupé la faim à 11h30 mais que vous déjeunez en famille ensuite, rien ne vous empêche de profiter de ce moment tout en déjeunant très léger.  

  • Faire la paix avec la nourriture

Donnez-vous la permission de TOUT manger.  L'alimentation intuitive considère que si vous vous interdisez un aliment, vous avez de fortes chances d'en ressentir le manque et de finir par "craquer" pour lui.

  • Cesser de penser qu'il y a des bons et des mauvais aliments

Manger une part de gâteau au chocolat ne fait pas de vous une personne mauvaise, tout comme manger des aliments à calories négatives n'est pas l'apanage des bonnes personnes. Avoir un rapport intuitif à son alimentation implique naturellement de la modération. Et avec modération, on peut manger de tout. 

  • Écouter ses sensations de satiété

Quand l'organisme est repu, il envoie des signaux en ce sens. Evelyn Tribole et Elyde Resch considèrent que chacun est capable de savoir quand il n'a plus faim, à condition de prendre le temps de s'écouter. 

  • Redécouvrir le plaisir de manger

Dans la course à la perte de poids, on oublie souvent que manger est avant tout un plaisir. Pourtant, être heureuse de ce qu'on mange favorise le sentiment de satisfaction. "Plus on est satisfaite, moins on a tendance à manger trop et plus on est capable de savoir qu'on a assez mangé", expliquent les fondatrices.

  • En finir avec l'alimentation émotionnelle

L'anxiété, la solitude, l'ennui ou le stress conduisent souvent à manger (ce n'est pas pour rien qu'on parle de "comfort food").

Si c'est confortant sur le moment, la culpabilité qui s'en suit l'est bien moins (à moins que vous vous soyez orientée vers le chou kale plutôt que les chips, mais soyons honnêtes, ça n'arrive jamais). Evelyn Tribole et Elyde Resch préconisent donc de "trouver d'autres moyens de se réconforter, de s'encourager, de se distraire et de résoudre ses problèmes".  

  • Respecter son corps

Facile à dire, certes, mais plus on s'aime, moins on se juge, plus on rayonne !

  • Faire du sport pour le plaisir et non pas pour maigrir

Perdre du poids n'est pas un objectif suffisant pour se mettre au sport et s'y tenir.  Le sport doit être un loisir, un moment de détente, de rencontre avec des amis, un défouloir, une passion, mais pas seulement un moyen de peser moins lourd sur la balance.

  • Honorer sa santé

Quand on croit en son intuition, on mange des aliments qui font du bien à notre santé, qui satisfont nos papilles et qui nous font nous sentir bien.  

Traduction : des fruits et des légumes, certes, mais aussi une pizza et du chocolat. "Être sain ne nécessite pas d'avoir une alimentation parfaite. Vous ne prendrez pas soudainement du poids après un seul snack, un seul repas ou une seule journée de petits plaisirs. C'est ce que l'on mange sur le long terme qui compte." 

L'alimentation intuitive, c'est pour qui ?

L'alimentation intuitive peut être utile pour tous celles et ceux souhaitant perdre du poids, ou entamer un rééquilibrage alimentaire

"Attention cependant, ce type d'alimentation n'est pas recommandée pour les personnes qui souffrent de troubles du comportements alimentaires, notamment parce qu'elles n'ont justement plus ces sensations de faim ou de satiété. Si elles souhaitent entreprendre une alimentation intuitive, il est indispensable qu'elles soient accompagnées par un professionnel de santé", indique la diététicienne-nutritionniste.

Quels sont les bienfaits de l'alimentation intuitive ? 

Les bienfaits de l'alimentation intuitive pour l'organisme sont nombreux, selon notre spécialiste : 

  • La satisfaction personnelle de pas se sentir lourde après un repas
  • Les effets sur le confort digestif
  • Ne plus souffrir de ballonnements
  • Être moins fatigué
  • La perte de poids

C'est une méthode qui est vivement recommandée par les experts en nutrition. 

Comment reconnaître que l'on plus faim ?

"Avant toute chose, il faut faire la distinction entre la sensation de faim et l'envie de manger. La sensation de faim s'exprime physiquement, alors que l'envie de manger est surtout liées aux envies, comme par exemple passer devant une boulangerie et se laisser tenter par un croissant, ou aux émotions, comme le stress ou l'anxiété", prévient Alexandra Murcier. 

La satiété représente le moment où l'on a assez mangé. C'est un signal envoyé par le cerveau au bout d'un certain temps après avoir commencé le repas (environ 20 minutes). Si l'on mange trop vite, on mange donc généralement plus que ce dont on a réellement besoin puisque l'on attend pas la sensation de satiété. "L'astuce est de manger doucement, en conscience, c'est-à-dire en ne faisant pas autre chose en même temps. Ainsi que de mastiquer ses aliments. C'est grâce à cela qu'on va ensuite ressentir que l'on a plus faim."

Dans la pratique, ça se passe comment ? 

Laurence Haurat, psychologue nutritionniste et auteure du livre Ex-fan des régimes, admet que tout le monde n'accède pas forcément à l'alimentation intuitive. "Il faut avoir confiance en soi, être prêt à rompre avec les idées reçues et les habitudes, et il faut surtout avoir très envie", explique-t-elle. L'alimentation intuitive est en effet une démarche sur la durée, que l'on entreprend sans "carotte". Ici, pas de promesse du genre : "Vous allez perdre 3 kg en 3 semaines." 

Dans la pratique, cette réadaptation à soi-même prend quelques semaines. "Il faut avoir confiance en soi (...) et surtout avoir très envie", poursuit-elle. Quid de la vie sociale ? Les adeptes de l'alimentation intuitive qui ont toujours faim à des heures décalées sont-ils condamnés à sécher les repas en société ? Non, selon Laurence Haurat. D'abord parce qu'on peut très bien être à table mais ne manger qu'une petite salade si on n'a pas faim. Ensuite, parce qu'on se rend vite compte que la faim revient naturellement toutes les trois ou quatre heures. "Le fait que l'on mange culturellement toutes les trois heures ne sort pas de nulle part", ajoute Laurence Hurat. 

Alimentation intuitive et perte de poids : l’objectif est ailleurs

Vous l'aurez compris, on n'adopte pas l'alimentation intuitive pour perdre du poids. 

L'objectif c'est d'avoir (enfin) un rapport sain à la nourriture, à son corps et à soi-même. Le bonus, c'est que par ce biais, on a de grandes chances d'atteindre et de maintenir son poids d'équilibreOn pourrait pourtant se demander si manger ce qu'on veut quand on veut ne favoriserait pas, au contraire, une prise de poids.

Sur son blog, Karine Gravel, docteure en nutrition canadienne dont la thèse porte sur l'alimentation intuitive, dément. En revanche, elle avertit les adeptes des régimes : après une période de restrictions alimentaires, le passage à une alimentation intuitive peut faire gagner quelques kilos temporaires dans un premier temps. Le temps d'habituer l'organisme à une alimentation normale et d'être (enfin) en paix avec soi-même ?