"À quoi pense-t-il pendant qu'on fait l'amour ?" Cette question, toutes les personnes qui ont déjà couché avec un homme se la sont sans doute déjà posée. Difficile en effet de savoir ce qu'il y a dans la tête de l'autre dans une situation aussi intime. À quoi les hommes pensent-ils pendant le sexe, et surtout, pensent-ils à la même chose que les femmes ? Pour nous aider à mieux comprendre, la sexothérapeute Léa Toussaint, créatrice du compte Instagram Merci Beaucul, a accepté de décrypter les réponses de ces messieurs.

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A quoi pense-t-on quand on fait l'amour ?

En 2012, une étude publiée dans le Journal of Sexual Medicine affirmait que si les femmes étaient plus préoccupées par leur physique pendant le sexe, la principale pensée des hommes était tournée vers la performance. Un constat également dressé par Léa Toussaint, qui confirme : "D'après les questions et les témoignages que je reçois, je constate que les femmes cis dans les couples hétérosexuels vont penser à plus de choses que les hommes. Eux vont avoir tendance à avoir l'esprit moins encombré, que ce soit de choses à faire, à ne pas faire, de leur apparence, de leur potentiel de séduction, du plaisir qu'elles donnent et qu'elles reçoivent, de leur épilation... Chez les femmes, il y a aussi la charge mentale du quotidien qui s'ajoute souvent, sans oublier bien sûr la charge contraceptive."

L'experte précise : "De manière générale, je constate que les femmes se demandent plus souvent 'Comment arrêter de penser à tout et n'importe quoi pendant le sexe ?' que les hommes. Pour les hommes, les pensées vont plutôt être de l'ordre de la performance : est-ce que je donne du plaisir, et est-ce que je prends du plaisir ? Et c'est à peu près tout. Ils se posent moins de questions qui débordent du cadre strictement sexuel."

La question de la performance sexuelle

Les hommes pensent-ils vraiment à leur performance lors d'un rapport avec un·e partenaire ? Pour Neo, homme bisexuel de 31 ans, la réponse est claire : "La pression de la performance est évidemment présente, en particulier avec un nouveau ou une nouvelle partenaire sexuel·le. Mais cela se présente sous plusieurs aspects différents. Il y a le classique "Et si je ne bande pas ?", mais aussi la durée, que ce soit sur ma capacité à tenir longtemps comme sur la durée de chaque action." La question de la sacro-sainte érection est effectivement souvent au centre des rapports pénétratifs, dans le cas d'une pénétration anale comme d'une pénétration vaginale. Elle fait partie, dans l'imaginaire collectif, de la représentation de la virilité masculine.

"L'injonction à la performance est différente chez les hommes et chez les femmes", estime la sexothérapeute. "Je pense qu'elle est différente. Chez les hommes, elle va être assez axée sur eux : est-ce que je bande assez fort, assez longtemps, est-ce que j'ai un sexe assez gros, est-ce que je lui donne des orgasmes assez forts ? Tandis que les femmes vont plutôt se demander : est-ce que je lui plais, est-ce que je lui donne assez de plaisir, est-ce qu'il se fait chier ? La performance n'a pas la même visée et n'est pas construite pareille, car les femmes sont plus conditionnées à donner." Elle le rappelle toutefois : "Il ne faut pas le nier : l'injonction à la performance touche évidemment les hommes."

Sexe : qu'est-ce qui excite les hommes ?

Au-delà de la question de la performance, les hommes ont évidemment des pensées positives, et surtout des pensées excitantes quand il font l'amour. "C'est sûr que c'est beaucoup plus agréable", commente Neo. "Je vais me concentrer sur tous les petits détails qui me plaisent chez mes partenaires, penser où je vais poser mes mains, au prochain compliment que je vais faire. C'est quelque chose qui m'excite beaucoup." Un avis partagé par Jérôme, qui précise : "On pense beaucoup que c'est l'acte sexuel qui excite les hommes, mais pour moi, c'est l'acte avec une partenaire spécifique. Pour avoir déjà testé le couple libre, je peux vous assurer que j'ai toujours été moins excité avec la femme que j'aime."

Pour Léa Toussaint, cette excitation est notamment due à la relation de confiance qui s'instaure entre deux personnes qui s'aiment, ou tout du moins, qui ont noué une vraie complicité sexuelle : "En termes de confiance en soi et de confiance en l'autre, il y a des pensées parasites qui disparaissent quand on a l'habitude de coucher avec un ou une partenaire. Et c'est une bonne chose, tant qu'on ne prend pas trop les choses pour acquises. Ce lâcher prise et le fait de ne pas questionner chaque seconde est une bonne chose, mais il ne faut pas pour autant perdre sa curiosité de l'autre, même dans un couple sur le long terme. La sexualité reste un dialogue qui doit se reconduire tout le temps", affirme-t-elle.

Penser au consentement pendant le sexe, c'est essentiel

Le dialogue, parlons-en, justement. Aujourd'hui, la question du consentement est plus importante que jamais en matière de sexualité. Pour Jérôme, c'est devenu une habitude. "Que ce soit avec une partenaire que je connais ou un nouveau plan cul, j'ai pris l'habitude de demander. "Est-ce que tu aimes ça ? Est-ce que tu as envie de ça maintenant ?" Je peux remercier les femmes qui m'ont éduqué à ça, car maintenant, je sais que le consentement peut bouger selon les envies, l'état mental ou physique. Parfois, ma meuf n'a pas envie d'un cunnilingus, et c'est ok. Avant, j'avais plus de mal à intégrer qu'elle pouvait refuser aussi quelque chose dédié à son plaisir."

Là où certains dénoncent, à tort, un manque de spontanéité dans le fait de demander l'autorisation de faire telle ou telle chose, la sexothérapeute y voit une vraie avancée : "C'est une très bonne chose, cette peur du mot ou du geste déplacé. Si certaines personnes se plaignent que ça "casse l'ambiance", se poser la question du consentement pendant le sexe, c'est essentiel. Il faut remettre en question nos habitudes, nos gestes, nos mots. C'est un changement qu'il faut appréhender, mais c'est surtout de nouveaux réflexes à acquérir, qui vont devenir naturels à la longue." Elle précise d'ailleurs que cela peut même révolutionner la sexualité : "C'est cool, car ça permet aussi de revisiter les choses, et ça peut même casser la routine sexuelle en posant la question pour éventuellement essayer de nouvelles choses. Se poser les bonnes questions au bon moment, ça fait partie d'une sexualité vouée à s'épanouir."

Sexe et pensées parasites : que faire ?

Neo l'avoue : "Parfois, il m'arrive d'avoir des pensées parasites pendant le sexe. Ça peut concerner mon physique, mais je peux aussi penser à quelqu'un d'autre ou même à un film pornographique, voire même à combien de temps il me reste avant d'avoir le dernier RER pour rentrer chez moi", regrette-t-il. Les pensées parasites au moment de faire l'amour, c'est normal ? "En tout cas, c'est commun", affirme Léa Toussaint. "Le sexe est une expérience assez spéciale qui va venir activer et désactiver plusieurs parties du cerveau, et on n'a pas l'habitude de cette activité cérébrale. Forcément, ça nous met dans des états chimiques, physiques et physiologiques qui font que parfois, on ne contrôle pas nos pensées. Résultat, on va penser à quelque chose, à quelqu'un, et se demander pourquoi. C'est une marque de lâcher prise d'avoir des pensées aléatoires, un peu comme quand on commence à s'endormir."

Rien de bien inquiétant, donc, à moins que ces pensées parasites ne reviennent trop fréquemment, au point de nuire à l'expérience : "Si ça revient souvent, que ce sont souvent les mêmes choses qui reviennent ou à un moment précis, avant l'orgasme par exemple, il peut être intéressant d'en parler avec un·e sexologue", précise la spécialiste. "Sinon, c'est comme un moment de méditation. On laisse la pensée arriver et repartir, et on se focalise sur ses sensations et l'instant présent. Il ne faut pas que ça devienne une source de culpabilisation, tant que ça ne vient pas limiter l'expérience sexuelle."