Je me souviens des premiers temps, lui parti, moi seule avec mon chagrin : « C'est un nul », « Il ne t'arrive pas à la cheville ».
Et surtout : « Il vaut mieux être seule que mal accompagnée. »

Mes larmes séchées, le délai de prescription (celui où on pense qu'il peut revenir) passé, j'ai rejoint, sans le savoir, le clan des célibataires.


Les premiers signes ?
Une soirée filles, pendant laquelle celle que nous appellerons Sofia me demande : « Ça fait combien de temps ? » Un peu plus de trois mois. Et quand je suis prête à lui répondre avec franchise que je vais super bien, je lis au contraire dans ses yeux comme un écho aux réflexions récentes de mes proches : « Oh ! là, là… un bail ! Il est temps d'en trouver un autre. » Sauf que moi, là, en ce moment, célibataire dans un monde de couples… ça va.
C'est grave ?

La réponse vient rapidement, logique, évidente.
Non.
Non seulement ce n'est pas grave, mais c'est en plus une vraie bonne nouvelle de réussir à négocier un virage qu'on ne voit pas toujours arriver.
Et plutôt que de se réfugier dans les premiers bras venus, de découvrir sa propre compagnie et de l'apprécier.
Exit hommes-pansements et hommes-béquilles, je découvre que je peux être heureuse seule, et que le jour où je rencontrerai quelqu'un, ce ne sera pas par besoin, mais par envie.

Vidéo du jour :

Bon, jusque-là, j'assume. Mais dans la mesure où j'ai à plus ou moins court terme (mais plutôt moins que plus) l'intention d'être heureuse en couple, quelles sont les limites à ne pas franchir pour éviter de basculer de l'autre côté ?
Celui du côté obscur de la force, celui qui transformerait la célibataire heureuse que je suis aujourd'hui en une autre espèce : la célibataire « enduraigrie », à mi-chemin entre la célibataire endurcie, qui ne veut plus jamais se caser, et l'aigrie, qui aura du mal à le faire un jour.

Et j'en suis arrivée à la conclusion suivante : il suffit que le célibat reste un choix.
Mais comment dealer entre « Je suis bien comme ça », et « J'ai quand même envie que ça ne dure pas à vie » ? Où se situe la ligne rouge ? Comment ne pas se fermer ces petites portes qu'on n'a pas envie d'ouvrir pour le moment, mais dont on aimerait bien ne pas perdre définitivement les clés ?

Le travail

Au début, c'est comme une bouée de sauvetage à laquelle me raccrocher. « Parce que là, on n'est plus dans l'affectif, mais dans la performance », disent les psys. Et peu à peu, j'y prends goût, parce qu'au fond, c'est super-gratifiant un boss qui dit : « Vous vous en êtes très bien sortie sur ce dossier. » Alors, sans personne pour me dire de lever le pied et de lui consacrer du temps (mon chat ne parle pas), j'ai des œillères de plus en plus grandes, des responsabilités de plus en plus importantes et un emploi du temps de plus en plus chargé, puisque je n'ai pas à laisser entrer un homme dans ma vie…

  • Alerte rouge si… 

Je commence à faire des rêves érotiques avec des Power Point, que je parle plus que de ça et que tout le reste me paraît sans importance.
Si le taf prend toute la place, me mange un peu plus chaque jour, et me retire peu à peu l'énergie à consacrer au reste.

Mes certitudes

Fini les nœuds au cerveau, les heures passées à attendre ou à essayer de comprendre le pourquoi du comment, fini de me remettre en question et d'essuyer des déceptions.
Quand je regarde mes copines en couple ou sur le point de l'être, ça me fatigue de les voir essayer d'analyser ce que leur mec a voulu dire dans ce texto.
Moi, la seule chose que j'ai à déchiffrer, c'est le SMS de mon frère qui veut qu'« on sretrouv o 6né ? ».

  • Alerte rouge si… 

Pour appuyer les bienfaits du célibat et les joies de célibataire qui vont avec, je ressasse consciemment ou pas mes échecs.
Et qu'à force, je ne retienne des récits de mes amies que ceux où les hommes sont des salauds, et que je commence à les mettre tous dans le même panier… sauf mon frère.

Les autres couples

Entre mes copines qui viennent de rencontrer l'amour de leur vie soit disant (« Il aurait quand même pu me dire qu'il était marié avec deux enfants »), celles qui l'ont trouvé depuis un moment (« T'as tellement de chance d'être célibataire »), ceux qui mangent au restau les yeux dans l'assiette, sans parler de ces dîners de couples où on parle du prix de l'immobilier et de la difficulté à trouver une place en crèche… ça ne donne pas franchement envie d'avoir toutes ces étapes à surmonter dans la vie de couple, à en voir le résultat.

  • Alerte rouge si…

Je commence à associer les mots « relation » et « souffrance » ou pire « ennui ».
Si plus aucun couple ne trouve grâce à mes yeux, ou si j'arrête de croire à l'amour puisque ça n'a pas l'air si bien que ça.

 


Ma séduction

Un des gros avantages, quand on n'a pas l'intention de rencontrer un homme, c'est qu'on n'a pas besoin de minauder.
J'apprécie le fait de pouvoir être moi à 100 % : « Ah, tu kiffes mes baskets ? 3 euros sur leboncoin. » Sans artifices ni faux-semblants. Plus besoin de surjouer.
Le message est très clair : ce n'est pas la peine d'essayer avec moi car « En ce moment, je file au lit à 21 heures avec “Game of Thrones”. C'est le pied. »

  • Alerte rouge si…

Je perds de vue les codes qui, même si je ne veux pas les utiliser en ce moment, continuent à régir les relations entre les gens.
Si je prends la mouche quand on me demande l'heure : « ll veut quoi le mec là ? » Si dans cette soirée, tout le monde s'amuse sauf moi.
Et qu'en serrant dans les bras un vieux pote qui veut me payer un verre et me trouve super-belle, j'en conclus qu'il est hyper-content de me voir.

Mes copines

Je renoue avec mes copines célibataires que j'avais un peu laissées sur le carreau à l'époque où j'étais maquée. Aujourd'hui on passe des soirées, des week-ends ou des vacances ensemble comme je n'en avais pas passé depuis longtemps.

  • Alerte rouge si…

Je m'éloigne de mes amies en couple ou si je ressens une pointe d'agacement ou de déception quand elles trouvent chaussure à leur pied.

Mon énergie

Depuis que je suis seule, j'ai découvert, en vrac, les siestes, la série « Rectify », que mon appart était vraiment cool, 357 vidéos de chatons trop mignons, que j'avais 17 poils de plus sur le bras gauche que sur le bras droit.
Bon, j'en rajoute peut-être un peu, mais qu'est-ce que c'est bon de pouvoir enfin zoner sans culpabiliser ni se forcer à quoi que ce soit, de quoi s'assumer pour s'épanouir.
Parfait !

  • Alerte rouge si…

J'oublie de repérer le moment où je m'ennuie.
Si j'érige le fait de pouvoir « enfin zoner » comme un principe, quitte à passer à côté de plein d'autres choses cool.
Parce que le petit coup de pied aux fesses nécessaire pour me bouger un peu, je n'ai pas besoin que ce soit un mec qui me le donne, et ce n'est pas parce qu'il n'y en a pas dans ma vie que je n'ai pas intérêt, de temps en temps, à sortir de ma zone de confort, qui ressemble parfois à s'y méprendre à une zone de paresse.

Les sollicitations

Au début, tout début, il y eut un temps (trois mois ?) où je me forçais à accepter tous les plans qu'on me proposait, avec l'idée plus ou moins bien cachée que peut-être, il y aurait une rencontre à faire.
Maintenant que je n'ai plus envie d'en faire, j'ai le droit de me mettre au lit quand il fait encore jour, en pensant que demain ma tête ne sera ni dans le sac, ni en vrac.

  • Alerte rouge si…

Je commence à associer soirées et chopage intensif, et que je refuse d'en être parce que je ne veux pas choper, et non parce que je n'ai juste pas envie. Parce que dans ce cas-là, si je me fous de passer à côté d'une rencontre, c'est peut-être à côté de bons moments avec mes amis que je passe…

Les hommes

Quand je me suis désinscrite de Tinder, ça a été le même soulagement que quand on enlève des chaussures trop serrées.
Je sais qu'aujourd'hui, ce qui me plaît c'est de ne pas me sentir sur le marché, de ne pas organiser mon temps en fonction d'hypothétiques rendez-vous foireux, de ne plus me faire « cristina-córduler » par mes copines avant un rencard, et de ne plus rentrer en me disant que c'est encore raté.

  • Alerte rouge si…

Je commence à regarder mes copines s'inscrire sur Adopteunmec.com avec une pointe de mépris.
Si je me moque des idées de soirées de célibataires et que je commence à prononcer des phrases comme « L'amour, ça ne se provoque pas, si ça se trouve l'homme de ta vie, c'est ton voisin ».
Parce que peut-être que je n'ai jamais vu la tête du voisin en question, et parce que le jour où j'aurais envie de m'y remettre, il y a peu de chances que je rencontre l'amour dans ma cuisine.


En attendant ce jour-là, et maintenant que je suis bien consciente des petits glissements à éviter, mon célibat, je compte bien le savourer.
Et assumer mes paradoxes : adorer être seule et rêver d'être à deux en attendant l'inverse, être célibattante un jour et célibattue le lendemain, m'autoriser à être aussi célibredouille, céliblasée, célibizarre, et par-dessus tout célibornée. l