• Moi, moi, moi, c’est moi le chef de la télécommande, je brandis le sceptre et, tiens, je zappe sur M6 et hop un coup de D8 et bing un France 2 : ce que je veux, je zappe. Je peux couper le sifflet de Pierre Ménès au moment où il annonce : « Incroyable, le PSG va acheter Lionel... » Lionel Messi ? Lionel Richie ? Lionel Jospin ? Je ne saurai jamais et je m’en cogne complètement.
  • Parallèlement, je n’ai jamais l’idée de mettre le replay de « Revenge » sur pause au moment où Daniel fait sa demande à Emily. Et d’ailleurs, j’accède directement à l’épisode 7 de ma série, celui que je n’ai pas vu, sans organiser la moindre session de rattrapage – visionnage ou racontage – des six épisodes précédents. Je reprends mon histoire pile où je l’ai abandonnée. C’est qu’il me reste plein de saisons à regarder, j’ai pas de temps à perdre.
Vidéo du jour :
  • Alice m’appelle : « Apéro rue de Bretagne à 19 heures, ça te dit ? » Oui. J’ai pas d’heure pour rentrer. Pas de texto « Vers minuit. Bises » à envoyer au moment où Alice décrochait la déco Halloween du pub pour se fabriquer des « ailes de citrouille ». Je peux même découcher sans prévenir.
  • Je tente les cheveux bleus et le vernis craquelé léopard.
  • Si un jour ça me prend, je m’achète un abat-jour liberty et je le monte sur la lampe au milieu du salon. Je pose même des rideaux assortis. Zéro négo pour mes mugs à pois, mon magnet poupée Lagerfeld, mes patères origami, les couv de « Bisou » sur la porte des toilettes et ma bougie parfumée Cerisiers de printemps sous vent de figuiers au crépuscule. Je décide, je valide.
  • Jennifer m’appelle : « Ma copine qui est expat à Shanghai m’a proposé de venir avec une amie, ça te dit ? Si tu te décides assez vite, y a des billets bradés sur Liligo. »
    Oui. Billets pas chers. Passeport prêt. Mes dates, hop là.
  • Calée devant mon ordi, j’ouvre mon paquet de Celebrations. Je grignote un mini-Mars – mes préférés –, puis un mini-Bounty – pour varier –, un mini-Twix – avec le biscuit, ça désécoeure –, puis retour au mini-Mars. Je prends mon temps, je choisis, au lieu de boulotter tous les Mars top chrono pour être sûre qu’on ne me les pique pas. Là, ils sont tous pour moi.
    Et dans la boîte de Haribo, je peux me garder tous les rouleaux de réglisse.
  • La fin du chapitre est dans deux pages, après j’éteins. À la fin du chapitre, j’éteins.
  • Je peux donner mon 06.
  • Je sors de ma douche, je suis restée un peu longtemps, pardon la banquise, mais il fallait que je me réveille. J’ai pleinement profité de mon gel douche parfumé, il m’a coûté une fortune, mais je l’utilise avec parcimonie, une fois de temps en temps, sans jamais le retrouver inexplicablement vide.
  • Et au sortir de la douche donc, je saisis ma serviette et là, joie des joies, miracle des miracles, Rita sainte patronne des causes désespérées tu n’es pas venue pour rien : ma serviette est sèche.
  • Je surfe à ma convenance, où le Web m’emmène, Brad Pitt à poil, sur Wikipédia « c’est vrai que “Les Misérables” avec Anne Hathaway avant c’était un livre ? », Doctissimo et YouTube le requin qui pète. Puis je conserve mon historique, pour y retourner demain si le cœur m’en dit. Quand je suis chez moi, je n’efface aucun historique. Idem sur mon smartphone où je conserve mes textos préférés.
  • À la maison, le jeudi, c’est tuto : cinq copines, un YouTube, dix paquets d’Oreo et on apprend le smoky eye, le bun, le flan de courgettes, le point mousse, comment prendre dix centimètres de jambes grâce à Photoshop.
  • Mes fringues ont leur équivalent de « je dors en travers du lit » qui est « je m’empile sur toutes les étagères ». Mes vêtements sont tous à moi, ils me plaisent tous, dans mon placard, aucun bleu pétrole moche ne vient heurter la belle harmonie, aucune boule fripée ne trouble l’alignement, aucun pull deux fois plus large ne mord sur ma ligne de rangement. C’est beau. Je dispose d’autant de place que je suis prête à en faire, et si je trie parfois mes vêtements ce n’est pas pour céder cet espace tout neuf à une quelconque paire de chaussettes, non, c’est pour le plaisir d’ériger une superbe pile de UN tee-shirt, parce que c’est la pile des tee-shirts manches longues, or je ne possède qu’un tee-shirt à manches longues et si ça m’amuse de faire une pile de UN tee-shirt, ça me regarde.
  • Mon frigo sent bon. Y a pas un vieux bout de camembert qui expire dans sa boîte dont on n’ose même plus soulever le couvercle.
  • Quand j’entre dans un bistrot, un club, un bureau, une soirée, je sais que, si une opportunité se présente, je suis libre de la saisir. Open bar. L’aventure, l’avenir, la surprise sont à portée d’oeillade. Le futur est grand ouvert. Parfois, ce vide colle des vertiges, l’angoisse de l’échec vrille l’estomac et l’inconnu fout les chocottes, n’empêche, quel frisson ! Le monde entier m’appartient et dans le monde entier, y a Joseph Gordon-Levitt.
  • Je danse toute seule chez moi. Et pour tester la dernière choré de Beyoncé, j’apprécie assez l’absence de public.
  • Mon appartement est toujours propre et rangé. Pas de menue monnaie sur la table de nuit, pas de sac plastique laissé au milieu de la cuisine, pas de ticket de carte bleue sur la moquette de la chambre, mon entrée ne fait pas vide-poches, seuls les rouges à lèvres ponctuent l’espace architectural.
  • « Jungle Speed ? Pétanque ? Stage flamenco ? Sortie surf ? Restau végé ? Atelier d’écriture ? Café-théâtre ? » Oui, oui, oui, oui, oui, oui et oui.
  • Jour de soldes ! (Oui, en septembre. On peut se mentir à soi-même aussi.) Je file dans une boutique, deux magasins, un pop up store, j’oblique dans un dépôt-vente et stop, fini, je suis cramée. Les bras chargés, je rentre chez moi. Pas besoin de sauter dans un Celio au hasard pour ramener un truc, n’importe lequel, histoire de dire que je ne pense pas qu’à moi.
  • Je mange les deux croûtons.
  • Au milieu de mon shopping, sur le coup de midi pile, j’ai eu une petite faim. Je n’étais pas loin d’une saladerie bio que j’adore, où je peux hésiter deux heures entre topping champignon et supplément parmesan, avec un fromage blanc au coulis de myrtille en dessert, un café, oui ce sera tout merci, non, je n’ai pas la carte de fidélité, non je ne la veux pas, j’ai faim, donnez-moi mon plateau. Je ne me suis pas retrouvée coincée au kebab/ McDo/KFC à manger des frites alors que je n’en voulais pas.
  • Mes Fondamentaux de l’Amitié, c’est pas du blabla : quand je dis à une copine : « Tu passes quand tu veux », elle peut vraiment passer, même le dimanche. Quand je dis à une copine : « Si t’as pas le moral, appelle, même tard », je décroche à 2 heures du matin. Et si une copine me dit : « J’ai un peu tué quelqu’un », je vais chercher ma scie et mes sacs poubelles 100 litres.
  • Le chat, il vient ronronner sur moi. Il n’a pas le choix de la traîtrise.
  • Lorsque sur mon écran apparaît Daniel Craig de son petit maillot vêtu, je peux sans retenue exhaler un wouah enthousiaste au lieu de feindre une relative indifférence (« Non, moi tu sais, les mecs bien gaulés, j’aime pas trop. »)
  • Pour Noël, je réveillonne chez ma mère et son nouveau copain. Le déjeuner du 25, je le passe chez mon père et sa jeune épouse. C’est booké, c’est compliqué, mais ça passe. En revanche, aucun créneau de libre pour ajouter une belle-famille là-dedans, même non-divorcée.
  • Dentifrice, liquide vaisselle, shampooing, mayonnaise : tout ce qui a un bouchon est rebouché.
  • Milieu de la nuit, soif, très soif. J’allume la lumière. C’est quand même mieux que d’avancer dans le noir en se cognant dans tous les meubles.
  • Dans ma chambre, je dors la fenêtre fermée et la porte ouverte. Je prends toute la couette, je l’enroule autour de ma jambe gauche, j’en fais un gros tampon et à l’exception du chat qui se rebiffe, personne ne moufte, finalement je vire un oreiller et je me garde un coin frais en bas à droite pour demain matin.
  • J’ai une chaise très jolie, élégante et gracile. Et qui a encore ses quatre pieds.
  • Rien de catastrophique, mais mes tibias ne vont pas tarder à évoquer une brosse à dents médium. Bon, Epilady. Argh, il est au fond du meuble, derrière un alignement de flacons un peu précaire, si je récupère l’épilateur, tout va s’écrouler. La flemme. Bof, je vais me mettre en jean.
  • « Vendredi, c’est gratuit pour les filles ! » Go.
  • Sur ma page Facebook, je commente l’expo photo « Connivence » (ou « Errance », ou « Latence », n’importe quoi du moment que ça finit en « ence »), comme si je l’avais visitée alors que j’ai surtout regardé l’affiche. Aucun témoin susceptible de démentir. Et sur cette même page, personne ne m’appelle Fofinette devant 1 453 amis – et collègues.
  • Je sais, je souris beaucoup au mec du service marketing.
  • Dès lors que, le soir, ma clé tourne dans la serrure de mon appartement, débute un ballet d’une rare fluidité : chaussures, démaquillage, pyjama en pilou, frigo, micro-ondes, plateau, les gestes s’enchaînent, les tâches, exécutées sans relâche, me conduisent inexorablement les unes aux autres et aboutissent à cet instant magique où je mange exactement ce que je veux devant exactement ce que j’ai envie de regarder, au moment précis où je me sens prête. Du grand art, Benjamin Millepied en chialerait d’émotion.
  • Je peux utiliser mon dissolvant dans n’importe quelle pièce, à n’importe quel moment. Même si ça pue.
  • Lorsque le courage me saisit et que je me fais suer à éplucher des vrais légumes, à les faire cuire dans une cocotte, puis à les mixer avec deux Kiri pour en faire une soupe, que je me tape la vaisselle du mixer et de ladite cocotte qui pèse une vavache pour, au bout du compte, obtenir deux litres d’un nectar délicieux, fabuleusement sain et digeste, quelle est ma joie de réaliser que c’est moi qui vais le boire, à mon rythme. Les trois prochains soirs de la semaine – je mange la même chose tous les jours si ça me chante – en rentrant, mon repas sera prêt. Personne n’aura torpillé la moitié du Tupperware à grands schlurps en marmonnant que, ouais, pas mauvais, mais après la soupe on a encore faim, je vais rajouter des Knacki, je peux finir ?
  • Sur adopteunmec, je remplis mon panier comme je veux, promo régionale, photos drôles, profils sympas, et, au moment d’ouvrir les mails et d’accepter les charmes, toujours cet indicible suspense...

Célibataire, mais jusqu’à quand ? Existe-t-il une âme qui vaille la peine de renoncer à tout ça ? Gordon-Levitt, il est inscrit ou pas ?