• Au bureau

« Ne change rien, sois juste disponible et avenante, me conseille mon amie Marie, serial dragueuse. Passer en mode "actif", ça veut juste dire répondre au sourire du réparateur de photocopieuse, boire un verre avec le collègue mignon, ou mettre un décolleté à la cantine. » Je note. Arrêter les robes de nonne et devenir agréable, pas forcément mon personnage professionnel, mais je me lance. Constat : les garçons sont hyper gentils quand j'ai dix centimètres de talons de plus, et dix centimètres de jupe de moins. Mon boss regarde plus mes courbes que ma courbe de ventes, aïe. Et, quand le beau Barnabé me rejoint à la machine à café, j'ai beau me dire « souris », j'arrive juste à faire une tête de grenouille. Lamentable. En fait, draguer sur son lieu de travail, c'est moyen. Un boulet nous colle ? Pas moyen de lui échapper à moins de changer d'entreprise. On se fait prendre à rougir en croisant le regard de Barnabé ? Nous voilà la risée de l'open space. Le drame. Enfin, être super pomponnée le lundi suppose de tenir la distance jusqu'au vendredi. Et ça, c'est un vrai effort.

Vidéo du jour :
  • Les amis de mes amis

Marie, pensive : « Oublie le boulot. Montre-toi dispo dans les fêtes, les dîners chez les copains, les apéros mondains. Zéro obligation : tu peux draguer un garçon et ne jamais le revoir, tu t'en fiches. » Et me voilà invitée à la pendaison de crémaillère d'Anne-Sophie dont le mari, pompier, a des tas de copains sexy. Pour être à l'aise, j'évite l'équation intenable minjupe + talons + décolleté vertigineux. Je fais simple : un joli petit tee-shirt noir sur un jean, tendance et confortable. Puis je souris, pendant qu'Anne-Sophie informe les pompiers que je suis célibataire. Je m'approche du bar. « Bonjour ! Ça ne vous ennuierait pas de me servir un peu de sangria ? » Après quelques abordages, il est 22 heures et je suis complètement ivre. Mais un gentil garçon se propose de me raccompagner. Cette technique de drague n'est pas si mal... À condition, réalisai-je au matin, de ne séduire que des gens que l'on ne connaît pas. Car s'entendre dire, le lendemain d'une nuit torride : « Tu as bien grandi, depuis nos vacances à Saint-Malo en 1985 », c'est curieusement embarrassant.

  • Dans les transports en commun

Cellule de crise des copines : Perrine suggère la rue. Marie objecte que ça s'appellerait du racolage. On se met d'accord sur les transports en commun. La base : avoir l'air sympathique et disposée à engager la conversation. Tenir un livre à la main mais ne pas y plonger le nez. Dans le bus, laisser évader un regard romantique. Dans le métro, regarder dans le vide, ou dans les yeux de ce superbe brun assis à l'autre bout de la rame. La difficulté, c'est de trouver le juste milieu entre la moue « timide touchante » de la fille à conquérir et le regard « moi vouloir toi » de la femme über-conquérante. Difficile. Je prends mon courage à deux mains et je traverse la rame bondée pour me planter devant l'élu : « Excusez- moi, je suis perdue, pouvez-vous m'aider ? » Zut, il ne comprend rien, il est italien. Et la vieille dame à côté de lui se fait un plaisir de m'expliquer le chemin... Encore raté !


  • Au lavomatic

Où sont les garçons célibataires et propres ? Au lavomatic. En plus, ça veut dire que, ne retournant pas chez leurs parents tous les samedis avec leur baluchon de linge sale, ils ont coupé le cordon : hop, un problème réglé. Ça montre aussi qu'ils n'ont pas encore eu le temps d'investir dans l'électroménager, donc qu'ils sont plutôt disponibles. Bref, ça veut surtout dire qu'ils n'attendent que moi. Mémo : choisir son lavomatic pas trop glauque, pas trop familial, dans un quartier branché, mais pas trop loin de la maison (la lessive, c'est lourd). Le diman­che 13 heures sera le moment idéal pour croiser un homme fêtard qui a passé la nuit seul et accomplit la corvée avant d'aller bruncher en compagnie de ses amis. Ma lessive ? Des vêtements sexy mais pas trop, agrémentés de quelques dessous en dentelle. Le tout parfaitement propre. Et voilà un joli garçon plongé dans son panier de linge. Raffiné et soigneux, vu l'adoucissant qui trône à côté de lui et le temps qu'il met à trier ses chemises. Quelques échanges de sourire entendus et, nos machines lancées, nous voilà papotant sur les chaises en plastique de la boutique. Il est sympa, c'est sûr. Super mignon, sans aucun doute. Et complètement gay. Le lavomatic, un spot de drague homo ? Ils ont toujours les bonnes idées avant nous !


  • Au supermarché

Quoi de plus célibataire que le Daily Monop après 20 heures ? Un homme qui fait ses courses aussi tard a forcément un boulot qui le passionne, et personne qui l'attend à la maison avec un pot-au-feu. De plus, les stratégies shopping sont révélatrices. Il s'attarde sur le rayon « cuisine du monde » ? Il est voyageur, curieux, ouvert aux autres cultures. Il achète du chocolat ? Il est en manque d'affection. Il remplit son panier de tas de petites choses sympa à cuisiner ? Il me plaît ! Pas mal, ce brun au rayon petit déjeuner. J'ai toujours aimé les garçons qui mangent des céréales le matin, ce côté ado qui n'a pas grandi, qui fait scrunch-scrunch, absorbé par le jeu dessiné sur le paquet. Je m'approche, faisant mine de m'intéresser au rayonnage. Regard en biais : vraiment pas mal. Je croise son regard, tendre et malicieux... je suis amoureuse ! Comment fait-on pour aborder au supermarché ? Vite, avant qu'il tourne les talons : « Pardon, vous connaissez ces céréales ? C'est bon ? » Lui, hilare : « Pour le transit, oui c'est plein de fibres. » Panique, je m'affiche avec des céréales de constipée... C'est fichu ! J'esquisse un sourire, repose le paquet, et je fuis.

  • À la piscine

Parfaitement épilée, en maillot de bain de compétition très seyant, des palmes pour allonger la silhouette et faire croire que je vais très vite naturellement, je choisis la piscine d'un quartier parfaitement hétéro, à l'heure du déjeuner pour éviter les ploufs des bambins et les classes d'ados du collège voisin. J'ai déjà préparé quelques approches : « Il n'y a plus de planches, je peux vous emprunter la vôtre ? » Plus clair : « Qu'est-ce que vous nagez bien le papillon ! Vous êtes maître nageur, pour être aussi musclé ? », à dire en palpant le biceps. Sauf qu'à la piscine, on ne peut engager la conversation que trente secondes en bout de ligne, entre deux respirations asthmatiques. De plus, le bonnet ne m'avantage pas vraiment, et j'ai dû laisser les lentilles de contact au vestiaire. Impossible, donc, d'établir si ce garçon est mignon derrière ses lunettes de plongée. Au bout de trente minutes de brasse coulée, j'abandonne. La semaine prochaine, essaierai-je le jogging ? Je me tâte.


  • Au café d'en bas

« Et pourquoi ça n'arriverait pas près de chez toi ? Va prendre ton café au zinc ! » Je fais confiance à Marie et choisis le Café des amis en face de chez moi. Après un effort surhumain pour grimper sur le tabouret de bar, je sirote mon noisette tranquillement en faisant semblant de feuilleter le journal. Pour l'instant, les seuls garçons qui occupent l'autre bout du zinc analysent la combinaison Lens-Guy Roux. J'attends que le beau blond qui participe à cette conversation hautement philosophique lève les yeux sur mon joli minois. Rien. J'en profite pour le dévisager : jamais vu dans le quartier, il tient un casque de moto à la main, il est juste canon comme il faut. Je passe à l'abordage. « Pardon, pourriez-vous me passer le sucre ? » Merci. Non, toujours rien ? Bon. « Et les pages culture du journal ? » Merci. Et si je me mets à quatre pattes sur le bar, daignerez-vous me remarquer ? Dans mon petit carnet de reporter, je note : dans un café, le garçon est imperméable aux filles. Les garçons sont vraiment des gens bizarres...


  • Au marché

Ça y est, me voilà déprimée. Seule solution, accepter ma condition de célibataire. Faire du sport juste pour moi, bien dormir, manger équilibré, oublier les garçons. Me recentrer sur mes fondamentaux. Dimanche matin, 11 h 30 : commençons par faire le marché. Une baguette dans une main, le journal dans l'autre, je me balade au milieu des effluves de poulet grillé, l'empreinte de la couette encore imprimée sur la joue. Je suis bien. Même les petits couples ne me mettent plus de mauvaise humeur, et ça n'a rien à voir avec les grands yeux bleus du boucher. Je ne cherche plus d'amoureux. Juste moi, moi et mon petit noir au café du coin. Je suis bien, et que personne ne vienne déranger mon bonheur paisible. « Pardon, pourriez-vous me passer le sucre s'il vous plaît ? » Hrumf, dis-je en poussant le bol sur ma droite, ne décrochant pas de mon article. « Et les pages culture du journal ? » Re-hrumf. « Faut-il que j'entame un strip-tease sur le bar pour que vous me fassiez un sourire ? » Je lève les yeux : tiens, le joli blond de la dernière fois ! Un coup d'œil circulaire me confirme qu'il s'adresse bien à la brune toute décoiffée (moi) et qu'il est vraiment charmant, avec sa petite fossette et ses épis partout. En plus, il n'est pas accompagné de sa meute de copains. Serait-il en train de passer à l'abordage ?