JOUR 1 : Chouette, c’est lundi, j’ai frottis

Avant, j’étais du genre à trouver tout un tas de bonnes excuses pour reculer le rendez-vous chez le gynéco (« Je peux pas, il y a “ Dexter ” à la télé », « Je peux pas, je suis pas épilée », « Je peux pas, mon mec est super jaloux »).

Mais la bombe sexuelle est réglo de la culotte, d’ailleurs, pour elle, une visite chez le gynéco ce n’est pas plus troublant qu’un contrôle technique chez le garagiste. Avant, donc, j’étais stressée. Mais ça, c’était avant. 

Aujourd’hui, je suis en avance au rendez-vous. « Bonjour mademoiselle, vous venez pour quoi ? » « Ben, pour mon frottis, pardi ! » « Ah d’accord, parce que la dernière fois que je vous ai demandé ça, vous avez rougi et vous m’avez dit que vous aviez mal aux pieds. »

Je lui dis que mes ampoules vont beaucoup mieux, merci, je mets les pieds dans les étriers et elle met ce qu’elle a à mettre là où elle a à le mettre. 

En sortant, je me sens tellement légère de l’avoir fait et tellement fière d’avoir vaincu ma « procrastinite aiguë » que j’envisage même d’appeler enfin le service des impôts pour la réclamation que je dois faire depuis 2006.

JOUR 2 : 
  • Besoin de rien, très envie de toi (tout le temps)

Avant, j’étais du genre à avoir un désir fluctuant. Et à avoir des petits blocages qui rendaient vain tout essai de rapprochement immédiat. Exemple : temps moche, fatigue extrême, baisse de la Bourse, rupture entre Ninon et Rudy dans « Plus belle la vie », moral en berne, brushing raté, journée pourrie, vaisselle pas faite, courrier en retard, film en cours avec Jude Law ou Thierry Neuvic comportant des scènes de nu. Mais ça, c’était avant.

Aujourd’hui, en tant que bombe sexuelle, je me dois d’avoir envie tout le temps. Mon mec n’en revient pas. Il faut dire qu’à une époque pas si lointaine (jusqu’à avant-hier, en fait) je refusais toute tentative de communication avant mon troisième café. 

Vidéo du jour :

À 7h30, les yeux encore fermés, je suis dans ses bras, à 7h32 on est tout à fait réveillés, à 7h35 je redécouvre avec surprise qu’il y a encore mieux que la pâte à tartiner pour bien commencer la journée. Au moment où il part au travail, je lui glisse que j’ai hâte d’être à ce soir, et à mon regard lubrique il comprend que ce n’est pas pour regarder « les Experts ». 

Toute la journée, je lui envoie des SMS de décompte, H-10, H-5, H-3… Ce petit jeu fait son effet, enfin sur moi en tout cas, preuve que c’est en forgeant qu’on devient forgeron. À mon retour il est là, il a un regard que je ne lui connais pas, à la fois excité et timide face à ma nouvelle libido débordante, comme ça il est encore plus beau, je l’embrasse et on fait l’amour avant même que j’aie enlevé mon manteau. 

Après le dîner, on remet ça. Au moment de se glisser dans le lit, je le regarde : « Dis donc, mon amour, je suis inquiète. Ça fait au moins dix-sept minutes qu’on n’a pas fait l’amour. » C’est la respiration calme de son sommeil qui me répond.

JOUR 3 : Gare à la routine !

Avant, j’étais du genre à connaître ce qui me fait du bien, ce qui nous fait du bien, et à me débrouiller pour nous en faire, quitte à ce que ce soit la même chose à chaque fois. Du genre à avoir mes habitudes, nos habitudes, du genre à ne pas aller chercher midi à quatorze heures ni son pied derrière mon oreille. Mais ça, c’était avant.

Aujourd’hui, la bombe sexuelle en moi me souffle que le changement, c’est maintenant, et elle a un peu une voix de président. Changement de lieux, d’horaires, de positions. Je note sur mon agenda : faire l’amour en levrette dans la salle de bains, en cuillère dans la cuisine, en amazone à 14 heures, tout habillés dans le lit, nus dans le couloir, en chaussons un dimanche soir. 

Et puis bientôt, je sèche, ce qui est un comble pour des idées sexo. Il faut dire qu’avec notre petit F2, je redoute que pour éviter la routine on soit bientôt obligés de faire l’amour sur du Serge Lama en récitant l’alphabet grec à l’envers.

JOUR 4 : Parlons cru, parlons cul

Avant, j’étais du genre à appeler ça le « hmm hmm », et ça le « bip ». Pas que je sois particulièrement coincée, mais pour moi ça faisait partie de la pudeur, des mots qui perdent de leur intérêt sensuel quand ils sont dits sans filtres, comme une jolie femme qui ne cacherait rien et qui, en se montrant totalement nue, ferait perdre l’attrait du mystère et l’envie de la découvrir. Mais ça, c’était avant.

Aujourd’hui, mon nouveau statut de bombe sexuelle m’oblige à appeler un chat un chat et une chatte… Enfin, vous voyez l’idée. Le matin (dans la salle de bains en levrette), je murmure à mon mec que j’adore… quand son… est… et qu’il… (pardon, mais à l’écrit, ça ne passe pas encore).

Il ouvre les yeux, me regarde, enfin regarde mon cou : « Pardon ? J’ai pas entendu. » « Ah euh… Je disais juste “je t’aime”. » 

Il a l’air étonné, enfin dans mon dos je ne le vois pas mais je le devine, et content aussi, enfin dans mon dos je ne le vois pas mais je le sens, c’est vrai que ça fait déjà quatre jours que je ne lui ai pas dit.

Je me demande alors si une bombe sexuelle a le droit de se laisser aller à un peu de tendresse, si sa condition autorise autre chose que « J’ai envie de toi ».

JOUR 5 : Être au top, tout le temps

Avant, j’étais du genre à pouvoir me passer d’esthéticienne pendant quelques semaines et de coiffeur pendant quelques mois. J’étais du genre à enlever mes talons en rentrant, à ne pas toujours faire de retouche maquillage, et même parfois à me glisser dans un pyjama chaud et confortable. Oui je sais, c’est horrible.
Mais ça, c’était avant.

Aujourd’hui, je regarde mon jogging en velours avec « New York » marqué sur les fesses et je lui annonce qu’entre nous, c’est fini. Ou du moins que j’ai besoin d’une pause. Il a l’air triste, je lui explique que c’est pas de sa faute, que c’est moi, pas lui, et qu’on peut rester bons amis. Je le mets au fond du placard et je file dans une boutique de lingerie m’acheter une nuisette sexy

Dans la cabine, je m’aperçois qu’elle est canon mais que si on ne regarde que mes jambes on dirait mon père. Je prends rendez-vous chez l’esthéticienne, et j’en profite pour en prendre un aussi chez le coiffeur. Au bout de deux heures, je suis belle mais déprimée : il paraît que j’ai le poil dru et le cheveu fin, la vie est mal faite quand même. Pour me consoler, en rentrant, je plonge dans un bain chaud, et je me gomme énergiquement la peau avec du savon noir et un gant de crin. 

En sortant, je manque de m’exploser par terre tellement je suis douce. Note pour plus tard : les callosités rugueuses sous les pieds, il semblerait que ça serve à adhérer au sol.

Sur ma peau veloutée, ma nuisette glisse toute seule et le froissement de la soie à chaque pas a quelque chose de terriblement érotique. C’est peut-être pour ça que mon mec me suit partout. Dans mon agenda, au jour d’aujourd’hui, c’est écrit « Faire l’amour en cuillère dans la cuisine ».

En quelques pas, on y est. Je mène le jeu, clairement. Je redécouvre une sensation que j’avais un peu oubliée : celle de jouer les divas, d’en faire trop, juste pour le plaisir, de jouer à le rendre fou et de me trouver irrésistible. 

Le carrelage est un peu froid mais c’est bien le seul. Au-dessus de nous, près de l’évier, la vaisselle sale tente de me narguer. En vain.

JOUR 6 : Accessoiriser les ébats

Avant, j’étais du genre à me contenter du canard vibrant. Et à l’avoir commandé sur le Net, surtout parce qu’il était trop mignon avec son petit strass sur le bec. À avoir tremblé pendant trois jours de peur qu’il y ait le nom du site marqué sur le colis que le facteur allait m’apporter. Pour tout vous dire, j’étais du genre à rougir quand je passais à la caisse avec des préservatifs ou même avec un concombre. Mais ça, c’était avant.

Aujourd’hui, la bombe sexuelle que je suis se refuse à acheter sur le Net, parce que c’est so 2012. Alors direction une « vraie » boutique de sex-toys, en croisant les doigts très forts pour ne pas y rencontrer mon boss ou ma mère.

En entrant, je demande à la vendeuse de me montrer ce qu’elle a de mieux (enfin à part ses seins), elle me présente un truc incroyable qui au pire pourra toujours me servir de portemanteau. 

Je passe à la caisse, je vais même jusqu’à lui demander si elle propose une carte gode, euh Gold pardon, ou alors VIPenis, bref une carte de fidélité, quoi.

En sortant, je croise un vieux copain du lycée qui, en regardant mon gros sac, me lance : « Alors, on fait des emplettes ? » Je suis tellement une bombe sexuelle assumée et libérée que je me retiens de lui répondre « Oh non, pas grand-chose, c’est juste mon nouveau gode quatre vitesses ».

En découvrant l’engin, le soir, mon mec fait une drôle de tête, on dirait qu’il a un peu peur ou qu’il est un peu jaloux. Je le rassure en lui disant que, quoi qu’il arrive, ce sex-toy ne me fera jamais d’aussi bonnes tartines que lui au petit déj et que je n’ai pas du tout envie d’un bébé en latex. 

Il me dit : « Non mais quand même c’est gros, non ? », j’ai envie de lui répondre : « Mais tu sais bien que c’est pas la taille qui compte mon amour », mais j'ai peur de le vexer, alors je ne dis rien et je l’embrasse, dans une main j’ai la sienne et dans l’autre ce drôle d’objet tout rose.

Surtout, lui faire croire que je suis très à l’aise. Surtout ne pas montrer que j’ai envie de rire ou d’y accrocher mon manteau. Bientôt, je n’ai plus envie de rire et j’ai juste le sourire aux lèvres.  

JOUR 7 : Faire le bilan de ma semaine de bombe sexuelle

Avant, j’étais du genre à aimer les siestes crapuleuses du dimanche. Mais ça, c’était avant. Aujourd’hui, je suis claquée. Mais moins que mon mec qui, au petit déjeuner, me dit en souriant : « Aujourd’hui on se repose, après tout on est dimanche, c’est le jour du Seigneur. » J’hésite à lui répondre que justement on pourrait mettre le petit Jésus dans la crèche mais je décide que c’est plutôt l’heure du bilan.

J’ai dans mon placard une jolie nuisette en soie dans laquelle je me sens belle et sous ma table de chevet un drôle d’objet rose auquel je sens que je vais m’attacher. J’ai les yeux cernés et un mec qui les a aussi, j’ai plus envie de lui dire « je t’aime » que de lui sauter dessus, de toute façon on a déjà fait toutes les pièces et toutes les positions.

J’ai passé une semaine délicieuse, mais j’ai peur de tomber dans une autre routine : celle de faire l’amour tout le temps. Sans surprise, avec accessoires, et sans prendre le temps de faire monter l’envie.

J’ai découvert que plus on fait l’amour, plus on a envie de le faire. J’ai découvert à quel point parler souvent sexe et le faire beaucoup pouvait rapprocher, et à quel point aussi ne faire que ça pouvait fatiguer.

J’ai découvert que si ma nuisette lui plaît tant, c’est que ses yeux n’y sont pas encore habitués, et que ses mains ne connaissent pas encore par cœur la douceur de la soie. J’ai découvert que faire l’amour dans la salle de bains c’était bien, et que finalement, j’étais du matin.

J’ai découvert que dans la cuisine je n’aime pas parce qu’il fait trop froid, que la vaisselle sale je m’en fiche mais que parfois j’ai juste envie de terminer mon film ou de m’endormir dans ses bras.

Le soir venu j’y suis, et je lui demande s’il croit que je suis vraiment une bombe sexuelle. Il me répond : « En tout cas, la vie avec toi c’est de la bombe. » Je me serre un peu plus fort contre lui, et du bout des doigts en s’endormant il me caresse au-dessus de mon pyjama, juste là où il y a écrit « New York ».