L’abstinence sexuelle nous concerne tous à un moment donné de notre vie, simplement parce que les conditions dont on aurait besoin pour avoir une sexualité partagée ne sont pas toujours réunies. Qu’elle soit voulue ou subie, l’abstinence peut durer plus ou moins longtemps, deux, trois ou encore dix ans.

L’idée de la reprise d’une sexualité partagée peut générer de nombreuses interrogations et craintes : "Vais-je savoir comment faire ?", "Vais-je réussir à refaire l’amour après une séparation ?", "Vais-je avoir mal ?", "Vais-je avoir une panne ?". Le point avec Camille Bataillon, sexologue clinicienne.

Abstinence sexuelle, subie ou désirée, toujours tabou ?

Par définition, l’abstinence désigne le fait de se priver de relations sexuelles pour des raisons sociales, médicales, idéologiques ou religieuses. Elle n’implique donc pas nécessairement une absence de libido ou de désir. Toutefois, de plus en plus de voix s’élèvent pour briser le tabou et les préjugés tenaces liés à cette forme de sexualité qui peut aussi être choisie. Il n’y a pas une mais des abstinences, tout simplement car il y a autant de situations qu’il y a d’individus.

Dans Les Corps Abstinents (éd. Flammarion), la romancière Emmanuelle Richard explore l’abstinence sexuelle, subie ou désirée, source de souffrance pour certains, d’émancipation ou de liberté pour d’autres. Ce livre, qui mêle 37 témoignages et des éléments autobiographiques, interroge celles et ceux qui vivent sans sexualité partagée. 

Dans une société où la pression de la performance et l’injonction à jouir dominent, le fait de s’abstenir d’avoir une sexualité avec d’autres est perçu comme une forme d’échec, d’anormalité, et immédiatement relié à la notion de souffrance.

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Non seulement, l’abstinence peut être bien vécu, mais elle est paradoxalement très banale. Cela concerne chaque personne au moins à un moment donné dans sa vie : après un divorce, une grossesse... Nous ne sommes pas toujours en mesure d’avoir un.e partenaire et un état émotionnel favorable.

Quelle que soit la raison, refaire l’amour après une longue période d’abstinence suscite autant de désir que d’appréhension. "C’est souvent ce qui revient 'Je ne sais plus quoi faire', 'Je me retrouve comme un adolescent de 15 ans', 'je stresse'", relate Camille Bataillon, sexologue clinicienne, qui insiste sur l’importance "d’accueillir ces craintes et travailler dessus si besoin".

Faut-il parler de la période d’abstinence avec son ou sa partenaire ?

En matière de sexualité, la communication est importante. Si la décision finale revient à chacun, il reste néanmoins conseillé d’évoquer sa période d'abstinence avec sa ou son nouveau partenaire. "C’est toujours intéressant de toute façon d’être honnête avec l’autre, de mettre des mots en disant « ça fait longtemps que je n’ai pas fait l’amour, j’appréhende un peu mais j’ai hâte qu’on vive ça ensemble » par exemple. Il n’y a rien de honteux à ça", affirme la sexologue auteure de Réinventer sa vie intime après bébé.

Il n’est pas nécessaire d’entrer dans une profonde analyse introspective si vous n’en avez pas envie, mais le simple fait d’en parler peut contribuer à diminuer l’angoisse et l’appréhension. "On peut voir aussi quelle est la vision de l’un.e et de l’autre par rapport à la sexualité, ce qui est chouette d’explorer, pour briser la glace puis savoir si on est alignés par rapport à ça. Souvent, ça rassure aussi", précise Camille Bataillon.  

Avant, pendant et après le rapport sexuel, n’hésitez pas à communiquer avec votre partenaire. Parlez de vos ressentis, de vos envies, de ce qui vous plaît ou au contraire vous déplait.  "J’aimerais bien reprendre en douceur", "je ne suis pas certaine", "j’ai besoin de temps", "j’ai besoin que tu me montres" : "C’est important que ça puisse être dit aussi, ça fait redescendre la pression et ça rassure", insiste la sexologue.

Abstinence sexuelle : comment réagit le corps ?

L’absence de relations sexuelles partagées pendant une longue période peut avoir des répercussions sur le corps. Mais rassurez-vous, les conséquences de l’abstinence sont loin d’être insurmontables et définitives. En réalité, c’est plutôt l’appréhension qui crée du stress et peut ainsi engendrer des problèmes de lubrification chez la femme ou des troubles de l’érection chez l’homme.

Camille Bataillon explique que la masturbation peut venir réconcilier le corps à la sexualité et aider à reprendre confiance en soi, ce qui n’empêche pas forcément les difficultés d’érection, d’éjaculation ou de lubrification lors d’un rapport à deux. Si vous n’aviez pas de problème sexuel avant la période d’abstinence, le savoir-faire acquis n’a pas disparu. C’est un peu comme le vélo, quand on a appris, on n’oublie pas ! Oui, vous risquez d’être un peu gauche, un peu maladroit, mais avec une bonne communication avec son ou sa partenaire, tout devrait bien se passer. 

Comment reprendre une vie sexuelle en douceur ?

Le premier conseil indispensable, c’est de prendre son temps. "S’il n’y a pas eu d’activité sexuelle en solo pendant tout ce temps, ça peut être intéressant d’avoir des moments à soi, remettre de l’érotisme, se reconnecter à son corps, à son pénis, à sa vulve, à son sexe, de venir réveiller cette zone-là pour s’y reconnecter", conseille Camille Bataillon. Se réapproprier son corps peut être un bon moyen de reprendre confiance en soi. Comme le rappelle la sexologue avec bienveillance, si la masturbation peut être envisagée, on peut aussi très bien s’en passer si on n’en ressent pas l’envie.

Sans parler masturbation, on peut se laisser aller à des caresses (sous la douche, par exemple), se masser régulièrement, sans intention sexuelle, ne serait-ce que réinvestir son sens du toucher.  

Si reprendre des rapports sexuels avec un.e partenaire génère beaucoup de stress et d’inquiétude, ne pas hésiter à se faire aider. "C’est bien de pouvoir travailler sur ses blocages et ses appréhensions, soit seul.e, soit avec l’aide de psychologues ou sexologues afin que le jour où on reprend une vie sexuelle, on soit rassuré, détendu, et que ça se passe pour le mieux", préconise Camille Bataillon.

Enfin surtout, on ne culpabilise pas si le rapport sexuel ne s’est pas déroulé comme prévu ou n’était pas à la hauteur des attentes que l’on s’était fixées. "Il ne faut pas se mettre de pression et ne pas oublier que c’est aussi un réapprentissage. On a peut-être ce rapport-là parce que c'est ce qu'on faisait avant mais peut-être qu'on n'aime plus ce genre de choses, ça peut être bien de se questionner. Est-ce que j’étais trop stressé ? Est-ce qu’on n’a pas utilisé assez de lubrifiant ? Pas assez communiqué ?", interroge la spécialiste. De quoi améliorer les prochains rapports et reprendre le chemin d’une sexualité épanouie.