MON RÉVEIL

Avant : 07h00

Aujourd’hui : 06h00

Normalement, je devrais ouvrir l’oeil puis réaliser avec délectation que je peux me rendormir et pousser un soupir de pure félicité avant de me blottir sous la couette telle une marmotte comblée en son terrier. Mais non. Pas cette année.

Aujourd’hui, forte de ma résolution, je vais vivre cette heure et non la dormir.
J’éteins donc mon réveil comme d’habitude : en le giflant jusqu’à éparpillement des composants électroniques. Je m’extirpe des draps avec précaution, pour ne pas réveiller marmotte mâle, qui sourit comme un bienheureux.
Je suis la première levée : rien que ça, ça change.

Vidéo du jour :

MA FENÊTRE DE CUISINE

Avant : 07h05

Aujourd’hui : 06h05

Sur les façades de ma rue, toutes les fenêtres sont éteintes, à l’exception d’une au coin à gauche. Soudain, je me sens en communion avec quelqu’un que je ne vois même pas. Je nous sais tous deux éveillés, sans doute à la recherche d’une même capsule pour la cafetière, gardiens vigilants de l’aube naissante. 

La sagesse populaire affirme que c’est à nous que le monde appartient. Et si jamais je retrouve le sirop d’agave pour sucrer mon expresso, ce sera vrai. 

MA SALLE DE BAINS

Avant : 07h15

Aujourd’hui : 06h05

Oh, une serviette sèche ! Oh, un sol non glissant ! Oh, un flacon de shampooing avec encore du shampooing dedans ! Un lavabo sans traces de dentifrice et sans micropoils pour moucheter l’émail. Un vrai rêve de jeune fille.
C’est la salle de bains que j’avais vue en louant l’appartement et que je n’ai plus jamais aperçue depuis : normalement, je suis la deuxième à prendre ma douche.
Là, miracle, je peux me maquiller sans entendre « Attends, pardon, je me lave juste les mains et j’y vais », « Attends, excuse, je prends la brosse », « Attends, désolé, j’attrape mon eau de toilette, merci. Pschitt. Ah j’en ai mis sur ton pull, je crois. Tu vas sentir bon aujourd’hui. Tu vas sentir cette-fille-a-un-fiancé en tout cas. »

MA RUE

Avant : 07h45

Aujourd’hui : 06h45

La rue semble vide. La sensation d’être en plein mois d’août ou dans un film apocalyptique avec Will Smith. Il manque juste le coq pour saluer les premières lueurs du soleil. Mais en ville, le coq, il fait comme tout le monde : il pionce parce qu’hier il s’est enfilé toute la saison 3 de « Homeland » d’un coup.
J’avance pourtant à l’affût du moindre bruit : les moineaux qui s’éveillent, les chaises des cafés qu’on sort sur les terrasses...
Un avion gros porteur qui atterrit au coin ? Non, la nettoyeuse.
D’habitude, elle m’explose les tympans, alors que je sommeille encore derrière un double vitrage. Là, en direct, j’ai carrément l’impression que je vais décoller. Je lui lance un regard qui fulmine, mais elle s’en tamponne royalement du haut de ses grosses brosses.
Au passage, mon jean réceptionne une grande giclée de flotte à la propreté douteuse : cette nettoyeuse n’est pas habituée à croiser du quidam si tôt dans le secteur.

MON CAFÉ

Avant : 07h50

Aujourd’hui : 06h50

Je m’assieds pour savourer une tasse avant le bus. Au comptoir, les ballons de blanc ne sont pas encore sortis, et surtout, il reste des croissants dans la corbeille, malgré la formule café + viennoiserie à 2 euros. Je suis contente. C’est vrai, les pains au chocolat, ça m’écoeure le matin.
Ainsi, à l’ouverture, il règne une autre ambiance ici, faite de silence et de propos mesurés.
Chacun a à coeur de préserver pour quelques minutes encore la douceur de l’heure. Seul le bruit du percolateur vient troubler l’atmosphère.
Et aussi le serveur qui beugle « Trois express ! » au barman, puis vient se poster juste à côté de lui.
À une seconde près, il aurait pu chuchoter, mais non : le serveur aime se décrasser les poumons de bon matin.

MON BUS

Avant : 08h05

Aujourd’hui : 07h05

Je suis assise, je suis assise, je suis assise ! Cela signifie que je peux lire mon livre ou regarder rêveusement par la vitre. Cela signifie aussi que, pour rester debout dans les virages, je ne suis pas obligée de me retenir à la barre en acier et bactéries.
Mon trajet, libéré des embouteillages usuels est écourté de dix minutes. J’en connais une qui va reprendre un café ! Je ne suis pas totalement seule dans le bus non plus.
D’autres manifestement ont eu la même idée que moi. Ou alors, un doute brutalement m’assaille, ils se lèvent TOUJOURS à cette heure-là ?

MON ARRIVÉE AU BUREAU

Avant : 08h30

Aujourd’hui : 07h30

Seule, dramatiquement seule, je suis en avance et y a pas UN chef pour s’en rendre compte.
J’en profite pour rédiger tout ce qui exige un minimum de concentration et ça vient tout vite, facile, fluide du clavier, j’ai presque fini ma journée quand les autres arrivent.
Pour le coup, je peux discuter et leur pourrir le boulot, la conscience tranquille.

MES RÉSEAUX

Avant : 08h35

Aujourd’hui : 07h35

Pour une fois que je suis tranquille dans l’open space et que je peux réseauter à volonté, me voici dans l’obligation de dresser un amer constat : à 8 heures du mat, y a personne qui tweete. Sur Facebook, pareil, personne, pas un partage, pas un statut, pas une demande d’ami, rien.
Le monde du numérique, lui, appartient à ceux qui se lèvent tard.

LA CANTINE

Avant : 12h30

Aujourd’hui : 11h30

Il reste des frites et il reste des tables, partout. J’en reviens pas. La semaine dernière, quand je promenais mon plateau, pleine d’espoir, je ne rencontrais que haricots blancs trop cuits aux fils dressés comme des antennes de homards malades, des filets de poisson racornis, des bacs vides et des chaises pleines.
Pour un peu, je me sentirais au resto. Bon, le problème, c’est que mes collègues ne voulaient pas descendre tout de suite.
Tant pis, je vais bouquiner.

MON DÉPART DU BUREAU

Avant : 18h00

Aujourd’hui : 17h00

Autant ce matin, le chef semblait agréablement surpris de me trouver là, autant ce soir, il semble trouver curieux mon idée de partir à l’heure du goûter.
Je n’ose pas, mais ça me démange de lui balancer : « Eh Dugenou ! À 8 heures du matin, il était pas encore arrivé ton costard moche, alors tout doux sur les réflexions. »
Je me contente de partir avec un sourire contrit.

MON TRAJET RETOUR

Avant : 18h05

Aujourd’hui : 17h05

Je suis assise, je suis assise, je suis assise ! Et entourée d’une foule que je ne croisais pas jusque là : étudiants, oisifs, artistes free lance, travailleurs libres d’horaires, restaurateurs qui commencent leur journée. Ils ont l’air sympas tous, je leur demanderais bien comment ça se passe dans leur monde parallèle.

MA BOULANGERIE

Avant : 18h30

Aujourd’hui : 17h30

Hourra, j’obtiens une baguette entière, pas une demie qui rassissait là en attendant preneuse, ni un pain de seigle champignon/baie de goji, non, une baguette, une vraie, toute simple. Sans faire la queue.
Et comme je ne reste pas dix minutes à poireauter avec un petit creux devant la vitrine des flans en me demandant lequel je choisirais si je n’étais pas au régime (aux abricots ou nature ?), je me sens beaucoup moins frustrée.

MON APÉRO AVEC LES COPINES

Avant : 18h35

Aujourd’hui : 17h35

Y a pas les copines, elles sont encore au bureau. Je commande malgré tout un kir en attendant et le serveur repart avec un petit sourire fort désobligeant. Quand mes amies finissent par débouler, j’en suis à trois verres et, fatalement, au jeu des confidences, je démarre plus fort que d’habitude.
Quant au moment où elles commencent à jouer elles aussi, je somnole à moitié – l’autre moitié, elle, ne comprend rien.

MON RETOUR À LA MAISON

Avant : 19h30

Aujourd’hui : 18h30

Mon chien est content que je rentre !!! Mon chat s’en fout !!! Là, rien n’a changé. En revanche, incroyable, la télé est libre ! Sur l’écran, pas de Fifa 14 avec des petits bonshommes en short qui saut-périllotent pour coller un ballon à 953 km/h dans un filet qui encaisse le choc sans broncher.
Tout ce calme, cet espace bien ordonné, c’est étrange.

MON DÎNER

Avant : 19h40

Aujourd’hui : 18h40

J’ai déjà faim, bien sûr, mais pour le coup j’hésite. Je grignote en attendant mon chéri ou je joue le jeu jusqu’au bout et je dîne à 18 h 40, même service qu’aux Hespérides ?
L’avantage en cuisinant maintenant, c’est que j’ai le temps de skyper avant le retour de marmotte mâle, plutôt qu’après les retranscriptions de journée au bureau.
Après, je pourrai même enquiller deux-trois épisodes de « GOT ».

MON SKYPE

Avant : 20h00

Aujourd’hui : 19h00

Mes copains du bout de la France ne répondent pas encore.Mes copains du bout du monde se réjouissent que je me plante un peu moins dans le décalage horaire : je les sonne à 2 heures du mat au lieu de 3 heures, c’est bien, non ?

MON FIANCÉ

Avant: 20h30

Aujourd’hui : 19h30

Il revient tout content, bien reposé, il en a profité pour rentrer en roller, cette heure cadeau, il la trouve hyper fun. Quand il constate qu’en plus j’ai déjà fini mes courgettes et qu’il va pouvoir se commander une pizza triple cheesy crust en toute impunité, il est limite d’en verser une petite larme.

MON LIT

Avant : 00h10

Aujourd’hui : 00h10

J’ai craqué. J’avoue, j’ai craqué. Je me suis dit que soixante minutes, ça me laissait sans doute le temps de visionner six épisodes de plus, sans vraiment renoncer à mon avance.
Oui, je l’avoue aussi, a priori je suis médiocre en maths.
D’un autre côté, si je m’étais couchée une heure avant mon fiancé, j’aurais déjà dormi au moment où il se glissait sous la couette. Et j’aurais raté quelque chose.
Finalement, au moins en amour, je préfère rester synchro. 

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