Ce mec est parfait, mais…

«  Raphaël est vraiment top : sérieux, attentionné, drôle… Je crois que je suis tombée sur une pépite ! » Le serveur nous apporte nos cocktails pendant qu’Émilie continue de se vanter des innombrables qualités de son nouveau mec. OK, on a compris, il est parfait. Monica me lance un regard las .

Elle, c’est un peu la Samantha Jones de « Sex & The City »  : une nouvelle conquête tous les week-ends et une aversion pour les discussions à l’eau de rose. Au bout du deuxième mojito, cependant, Émilie craque : « Au lit, ce n’est pas ce que je vivais avec Léo, quand même. » Ah bon ?

«  Avec Léo, c’était dingue. » Avec Léo, c’était surtout des crises de jalousie vingt-quatre heures sur vingt-quatre, des pétages de plombs quand il lui rappelait qu’ils étaient juste sex friends, et une rupture brutale qui a condamné Émilie à un mois d’auto-séquestration, à pleurer devant tous les films romantiques de la planète.

«  Peut-être, mais je n’ai jamais autant pris mon pied qu’avec lui. Raphaël ne fait pas le poids. » À ce point ? « J’y pense tout le temps. Chaque fois qu’on fait l’amour, je finis frustrée parce que je réalise encore que ce n’est pas aussi bien qu’avec Léo. » Monica sourit : « Comme quoi, le sexe, c’est hyper important dans une relation. »

Ce n’est quand même pas le seul ciment du couple, non ? Et puis, Léo était peut-être un dieu sous les draps, ça ne l’en rendait pas plus agréable à vivre. « C’est pour ça, justement ! s’écrie Monica. Avec lui, il n’y avait pas de relation. La relation, c’était le sexe. C’est pour ça que c’était si bien. Quand on investit dans un seul domaine, il est toujours mieux ficelé. »

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Alors les meilleurs coups seraient ceux d’un soir  ? « Moi, je pense. Parce qu’avec un mec avec qui tu ne fais que coucher, tu as moins de retenue, il y a cette idée que tu ne le reverras plus jamais. Alors tu vis le moment avec plus d’intensité, tu n’as pas le temps d’être mal dans ta peau ou même de te soucier de ce qu’il ressent. »

Il ne faut quand même pas faire de généralités – certaines filles sont en couple avec le meilleur coup de leur vie. « Heureusement ! J’imagine que la plupart des femmes préfèrent coucher avec un homme qu’elles aiment. Mais je pense vraiment qu’il est plus simple de prendre ton pied quand tu couches avec un mec qui ne signifie rien pour toi : tout simplement parce que tu penses plus à ton plaisir à toi. »

Émilie lève un doigt timide et commande une autre tournée. « Mais attends, peut-être que pour lui, je n’étais rien, mais tu sais très bien que je me suis attachée à Léo, moi. » Oui, mais c’était peut-être plus un désir qu’elle avait de le retenir qu’un attachement amoureux.

« Ben oui ! Comme tu savais qu’il risquait toujours de détaler après vos rendez-vous, tu te donnais trois fois plus pour essayer de le faire craquer. » Monica se renverse sur sa chaise et croise les bras, l’air fier de son analyse sexuelle. « Mais… On peut oublier un bon coup ? » Oublier un bon coup, ça m’étonnerait. Personne n’efface de sa mémoire la meilleure partie de jambes en l’air qu’il ait jamais vécue. En revanche, il est sûrement possible de l’égaler.

Les hommes préfèrent les coups de cœur

Après les copines, je rejoins des hommes pour enquêter sur leurs meilleurs coups. Quand je demande à Damien si une fille lui a laissé un souvenir indélébile, il se marre : « Évidemment ! Je crois qu’on a tous une nuit mémorable, je me trompe ? »

Jérémy acquiesce : « Moi, c’était il y a deux ans, en été. J’étais parti avec des potes en Espagne, et un soir, on a rencontré ce groupe de touristes qui venaient d’Australie. J’ai vite accroché avec une fille et elle m’a proposé de la suivre à son hôtel. »

Et pourquoi c’était si bien ? « C’était complètement surréaliste, en fait. Je savais que je ne la reverrais probablement jamais, mais j’avais l’impression de la connaître depuis toujours. C’était très particulier. »

Alors c’est un souvenir qui englobe plus que juste le sexe ? « Oui. Dès qu’on s’est rencontrés, on a commencé à discuter de tout et de rien, on a déliré sur plein de trucs, on était tout de suite très proches. C’était un peu comme dans un film, tu sais, le mec qui rencontre une fille sur une plage, ils refont le monde autour d’un feu de camp et ils finissent par coucher ensemble avec une musique romantique en bande-son. C’est plus le côté intense, inattendu de l’histoire que la partie de jambes en l’air en elle-même que je n’oublierai jamais. »

Alors un bon coup, finalement, ce n’est pas juste une question de performance ? « Je ne pense vraiment pas, intervient Damien. J’ai couché avec des filles assez “imaginatives”, qui voulaient tout faire, tout tester, sans aucun complexe. C’était génial, mais tu sais quoi ? Le meilleur coup de ma vie, c’était mon ex, parce que j’en étais vraiment amoureux. »

Tiens, c’est bizarre, je n’aurais pas imaginé que les hommes étaient si fleur bleue sur ce point-là. Vous êtes sérieux, les mecs ? « Ben, oui. Bien sûr qu’on prend du plaisir à coucher avec une fille qu’on ne reverra jamais et qui se lâche vraiment, mais quand c’est celle que tu aimes qui te donne tout ça… Tu peux avoir passé une nuit de folie avec Clara Morgane, elle ne fera jamais le poids. »

Bon, j’ai une copine qui avait une meilleure vie sexuelle avec son ex, et… « Soit elle aime encore son ex, soit elle est avec la mauvaise personne, me coupe Jérémy. Quand on est bien avec quelqu’un, on ne regrette aucun ex. » Sages paroles, copain. Maintenant, on va poser quelques questions à une pro.

Il faut se connaître pour se plaire

Quand je lui demande si on peut oublier un bon coup, Michèle Smadja, psychiatre et sexologue, hausse un sourcil et sourit : « Il ne faut pas dire “untel est bon au lit” et “untel ne l’est pas”. Un acte sexuel, ça se vit à deux. Pour atteindre un orgasme vaginal, il faut être dans un certain état d’esprit : quand on est disponible, ouverte à la découverte, qu’on lâche prise et qu’on s’abandonne vraiment. »

OK, mais si on a une entente sexuelle moins bonne avec notre homme qu’avec notre ex… « C’est qu’on ne communique pas assez. Le secret, c’est de se parler : on ne connaît pas l’autre si on ne lui demande pas qui il est. » Mais alors, comment un coup d’un soir peut-il être incroyable quand tout ce qu’on sait de lui, c’est qu’il semble être plus boxer que caleçon et qu’il s’appelle Thomas (ou Thibaut) ? « C’est dans la tête, c’est un état d’esprit !

Imaginez que vous alliez au restaurant avec un inconnu. Vous n’allez pas lui demander de choisir votre plat, si ? Admettons que vous soyez dans un état d’esprit aventurier : vous le laissez commander pour vous. Et là, il vous prend des grenouilles farcies. Si vous êtes ouverte à la découverte, vous goûterez, peut-être même que vous apprécierez…Ou alors vous détesterez. »

C’est vrai que c’est peut-être plus sûr de lui confier mes goûts avant. « Voilà. Il faut parler de ce qu’on aime. C’est en se confiant, en échangeant qu’on améliore nos ébats. La sexualité, c’est un dialogue. Elle est différente selon notre partenaire ; elle se crée en couple. Il faut s’y mettre à deux et dépasser sa pudeur afin de s’ouvrir à l’autre. »

Et si on est nostalgique d’un atout physique dont notre ex était mieux… doté .  « La check-list pour trouver l’homme parfait n’est jamais complète. Si ce point-là n’est pas rempli mais que vous êtes avec lui, c’est que d’autres le sont, et qu’ils font assez pencher la balance pour que le seul qui vous tracasse ne soit finalement pas si important. Et si c’est un point qui vous dérange énormément… remettez-vous en question. Si on pense encore à un ex ou à un coup d’un soir, c’est qu’on n’est pas dans le moment. »

À vos marques, prêtes… parlez !

Après le compte rendu de ma visite chez la sexologue, Émilie s’est enfin décidée à parler avec Raphaël. Pour lui dire ce qu’elle aimait, et pour qu’il lui dise ce qu’il préférait. En l’attendant en terrasse, Monica me glisse : « Tu sais, je me demande si je n’ai pas toujours préféré les coups d’un soir parce que, finalement, je n’ai jamais vraiment été amoureuse. »

Il faut voir le bon côté des choses : le meilleur coup reste encore à venir. De nulle part, Émilie débarque en trombe, toute décoiffée, les joues enflammées. Ben, qu’est-ce qu’il lui arrive ? « On discutait, avec Raph », répond-elle, l’œil coquin.

Ah… La communication, ça a l’air de lui réussir ! Elle me lance un petit sourire qui veut tout dire. Du coup, la nostalgie Léo, c’est fini ? Émilie fronce un sourcil, reboutonne rapidement le haut de sa chemise et se recoiffe discrètement dans le reflet de la vitre du café : « Qui ? »   l